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Point de vue de Jérôme Le Grelle, Convergences-CVL

[POINT DE VUE] Quarante ans de Ligne Maginot législative, et après ?

Voici plus de 40 ans que l’on tente de “protéger le petit commerce” à coup de lois contraignantes (CDUC, CDEC, CDAC…), avec l’insuccès que l’on sait. Aussi faciles à contourner que le fut la Ligne Maginot, les lois successives ont laissé se dérouler un combat inégal entre grande distribution et petites villes, tirant des cris d’impuissance aux élus de tous bords.

Malgré cela, et sans aucune considération des mutations profondes dans l’environnement économique, technologique et social, les mêmes vieilles recettes sont invariablement convoquées : contraindre, complexifier, limiter, empêcher l’expansion des grandes surfaces. À cela se superpose un véritable fatras juridique tantôt corporatiste, tantôt libéral : le “choc de simplification” contourne soigneusement le commerce, suivant une ligne pour le moins sinueuse.

Soyons clair : compte tenu de son impact urbain, économique et social, l’urbanisme commercial doit évidemment être encadré de près par des politiques publiques. Mais il devient urgent de reconsidérer le dispositif en place, non seulement inefficace, mais dont la finalité même, à force de radotage, est devenue totalement anachronique sinon illisible.

Ne s’est-il donc rien passé en quarante ans, n’avons-nous rien appris ? N’est-il pas temps de sortir des tranchées pour refonder une politique commerciale en phase avec les défis d’aujourd’hui ? Sans sous-estimer les enjeux de pouvoir, de compétition économique et d’équilibre des territoires, bien réels, il est permis de formuler les quelques pistes de réflexion que voici :
- Faut-il encore se focaliser sur un objectif quantitatif – exprimé en surfaces de vente – à l’heure où, avec l’appui des technologies digitales, la distribution se dématérialise ?
- Est-il judicieux d’entretenir l’opposition traditionnelle entre centre-ville et périphérie alors que tout indique l’émergence d’un nouveau paradigme spatio-temporel lié aux nouvelles mobilités, aux gares, aux réseaux ?
- Doit-on persévérer dans la protection (vaine) de ce qui est souvent déjà obsolète, ou encourager le développement de commerce et de services là où ils font défaut, sous de nouvelles formes ?

Trois questions, trois illustrations du déphasage complet entre une législation défensive datant des débuts de la grande distribution et la réalité du commerce d’aujourd’hui. Nos trois questions renvoient pourtant à des enjeux majeurs pour l’avenir du commerce, c’est-à-dire pour la qualité de vie, l’égalité des territoires, l’innovation, l’emploi, l’activité touristique.

Elles appellent une politique d’abord incitative, afin de redynamiser les centres urbains et d’accompagner la révolution de l’e-commerce, au profit des territoires et des consommateurs. Il ne serait pas absurde, au demeurant, que cette politique s’appuie sur des élus locaux plus audacieux et décomplexés qu’aujourd’hui, osant porter de véritables politiques commerciales. Mais c’est un autre débat…