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Point de vue de Jérôme Le Grelle, Convergences-CVL

[POINT DE VUE] La ville ordinaire, futur Océan Bleu du commerce ?

Nous relevions dernièrement l’émergence de nouveaux concepts de magasins susceptibles de préfigurer un certain avenir du commerce. Une précision s’impose : ce phénomène semble pour le moment exclusivement limité aux secteurs urbains dynamiques, là où, finalement, le commerce n’est pas menacé. Tout autre est la situation dans la plupart des villes petites ou moyennes, voire dans des secteurs urbains banals. Le moins qu’on puisse dire est que les initiatives ne se bousculent pas pour tenter de redynamiser un commerce morose quand il n’est pas en voie de disparition.

Cette situation n’a d’ailleurs rien d’étonnant. Réagissant à la baisse de la consommation, les enseignes ont adapté leurs stratégies. Elles ont rapidement intégré les avantages des technologies digitales et entrepris de rationaliser leur parc de magasins tout en renégociant bec et ongles leurs conditions locatives. Les foncières les plus spécialisées se recentrent sur des actifs à moindre risque, généralement de très grands centres commerciaux situés dans des villes dynamiques.

Toute la question est de savoir si ces stratégies conjoncturelles sont appelées à devenir structurelles. Rappelons que nous assistons depuis 2008, de façon continue et pour la première fois, à une baisse de cette consommation de masse à laquelle nous devons le fort taux d’équipement commercial de nos territoires. Rien ne permet donc d’écarter le scénario d’un repli tendenciel des acteurs économiques sur un nombre limité de sites performants, avec une double conséquence : le risque d’une désertification commerciale des régions les moins denses ou les moins dynamiques d’une part, une concurrence exacerbée d’autre part.

Avant d’en arriver là, on peut espérer voir apparaître des stratégies alternatives, car il faudra bien trouver la solution pour “alimenter” ces villes et territoires abandonnés des enseignes parce que moins denses ou moins riches. La stratégie Océan Bleu, développée par deux professeurs de l’Insead*, est fondée sur l’idée que “pour générer une croissance rentable, l’entreprise qui se trouve dans un environnement concurrentiel saturé, où les produits se ressemblent de plus en plus et où la guerre des prix fait rage, doit s’affranchir des contraintes de son marché. Et, pour sortir de “l’océan rouge” de la concurrence, elle va devoir effectuer un saut de valeur, véritable déplacement stratégique qui aboutira à la création d’un espace de marché entièrement nouveau, un océan bleu.”

En l’occurrence, ce sont les territoires ruraux ou urbains aujourd’hui délaissés, ou tout simplement la ville ordinaire qui pourraient devenir l’Océan Bleu de stratèges avisés. Quel modèle économique nouveau sauront-ils inventer pour les reconquérir ? S’il est clairement trop tôt pour le dire, certaines initiatives méritent d’être regardées de près. C’est le cas du foodtruck (littéralement camion alimentaire), qui commence à se développer en France. Ce concept de restauration à emporter combine les avantages de la proximité, de la mobilité, de la géolocalisation, et de l’adaptabilité de l’offre à chaque environnement. À quand donc l’extension de ce modèle à d’autres secteurs de la distribution au profit des villes ordinaires ?

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