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Point de vue de Jérôme Le Grelle, Président de Convergences-CVL

[POINT DE VUE] La culture, outil marketing pour centres commerciaux ou stratégie globale d’entreprise ?

Se différencier est devenu un objectif vital pour le centre commercial qui doit, à mesure que son intérêt pratique et utilitaire diminue, retrouver un pouvoir de séduction en tant qu’espace de vie. Un positionnement solide passe aujourd’hui par un rapport original, riche et consensuel au territoire, et une offre qui ne soit pas uniquement commerciale. On ne construit pas une telle légitimité sans sortir des sentiers battus du marketing classique.
Apporter de la culture peut être une réponse, à condition de ne pas se contenter de planter quelques œuvres d’art dans le décor pour habiller la mariée. C’est un fil bien plus subtil qu’il faut tirer de la ville ou de sa région, de son histoire et de ses fiertés, puis tisser dans la trame même du projet.

Une fois trouvé ce fil rouge, l’étape suivante, plus délicate, consiste à le traduire concrètement par un positionnement et une programmation adéquats, qui passent par la sélection rigoureuse des activités cibles et des meilleures enseignes ou porteurs de projets (culturels, sportifs, etc.). Puis, pour donner au projet sa force, sa crédibilité et sa cohérence interne, c’est l’ensemble des paramètres qui devront s’aligner sur ce fil rouge : architecture certes, mais aussi agencement des espaces, offre de services, politique de gestion et d’animation…

Cette nouvelle génération de centres commerciaux implique des changements assez radicaux dans la conception des projets et leur pilotage, c’est-à-dire dans la culture même de l’entreprise.

En l’absence de nouveaux modèles ayant fait leurs preuves, le choix du positionnement est une prise de risque (mais a-t-on le choix ?). Les études de positionnement, plus que jamais déterminantes pour le projet, doivent dorénavant prendre le pas sur les seules études de potentiel. Elles appellent des compétences nouvelles (sociologie, sémiologie…), mais aussi une aptitude à maîtriser la complexité dans un environnement flou et incertain.
Le pilotage de la mise en oeuvre du projet n’est pas moins stratégique, pour résister aux habitudes internes et rendre les bons arbitrages : faut-il densifier les surfaces louées ou préserver de grands espaces libres, sécuriser rapidement le rendement locatif ou prendre le pari construire patiemment une offre unique, aller vers les enseignes classiques ou conserver leur place aux preneurs atypiques, etc. Car la perte des repères, la peur du risque… tout va conspirer à éroder la cohérence du projet, à la dénaturer pour retrouver l’ordre supposé rationnel (mais en réalité mortifère) des vieilles recettes d’hier.

Ces nouveaux enjeux devraient interpeller les managers sur les moyens humains et financiers à consacrer à leurs stratégies de différenciation au sein de leur organisation. Les modèles mêmes de calcul de rentabilité et de retour sur investissement devront être ajustés sur ces nouveaux critères. Créativité, formation, rigueur et détermination sont indispensables. Si elles n’éliminent pas le risque d’erreur, elles protègent au moins de la tiédeur, le plus sûr chemin vers l’échec.