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Urbanisme commercial - Les enjeux de la refondation

La révolution du commerce des années 60 a entraîné avec elle une révolution juridique qui va subir prochainement une nouvelle transformation. On constatera que le droit a suivi plus que précédé l’évolution du commerce et l’évolution des villes ; il est donc possible que le prochain texte soit, lui aussi, une réponse à une situation actuelle plus que la mise en application d’une perspective philosophique de la ville et de l’activité commerciale.

Le texte actuellement en discussion au Sénat, après avoir été adopté à l’Assemblée nationale, affirme ouvertement le changement de méthode ; l’activité commerciale doit entrer dans un mode de planification de même nature que les constructions. Il est donc assez logique que le permis de construire devienne la seule autorisation nécessaire. Cette planification commerciale a toujours été dans la tête de nos élus et on ne compte pas le nombre de propositions de loi qui avaient déposées auprès des chambres pour mettre en place un système de cette nature. Mais tout d’abord, et à défaut de loi, les élus se sont entendus pour mettre en place des chartes puis, ces expériences aidant, sont nés les schémas de développement commercial pour enfin voir naître le DAC (document d’aménagement commercial) qui, issu de la loi LME, sera conforté par la proposition de loi de Patrick Ollier ; que nous avons affaire à une nouvelle vision planificatrice. Quelques remarques s’imposent liminairement et il n’est pas mauvais d’être un peu iconoclaste – particulièrement dans une société vouée à l’image – et tenter de prendre un peu d’indépendance par rapport à l’idée générale sinon unique qui envahit jusqu’à la pensée juridique.

La localisation du commerce en périphérie est une conséquence pas une cause. On pourrait reposer sérieusement la question de la responsabilité de la grande distribution dans la désertification des centres villes et l’évolution négative du commerce traditionnel et indépendant. Il est un discours assez monolithe qui consiste à voir, dans l’effondrement du commerce traditionnel et de centre ville, la main de la « grande distribution » ou celle des « formes modernes de distribution ». Or, l’implantation de grandes surfaces en périphérie des agglomérations est une conséquence des modifications de la société plus qu’une cause. Rien n’interdit donc d’imaginer que les changements induits par une prise de conscience écologique et plus généralement une vision plus responsable du territoire, peuvent engendrer une révolution dans le commerce sans nécessiter de loi nouvelle.

La forme du commerce est une conséquence pas une cause. La révolution apportée par le « tout sous un même toit » trouve sa source dans le comportement nouveau des ménages. Là encore le commerce répond au besoin du consommateur ; les habitudes d’achat se modifient en fonction de la nouvelle répartition des tâches dans le couple, et dans ces conditions, le commerçant répond à cette demande tant par le format de magasin que par les produits qui sont offerts.

Les élus locaux ont toujours été au cœur de la décision d’aménagement. Depuis les lois de décentralisation, les élus locaux n’ont pas été exclus de cette évolution d’aménagement.

Bien au contraire, ils étaient au cœur du dispositif issu de la loi Royer. Il est donc important de mettre cette proposition de loi dans l’histoire de la volonté planificatrice des élus.

De la charte…
Assez rapidement, les élus et responsables locaux ont tenté de mettre sous la forme d’un contrat cadre leurs prévisions de développement et d’organisation du commerce sur un territoire donné. Les chambres de commerce ont beaucoup tenté de développer ces chartes. Ces documents n’ont jamais suivi une forme particulière. Il s’agissait pour les différents acteurs de fixer des règles de développements qui, déjà, prenaient en considération les grands pôles commerciaux existants, tentaient de définir les centres villes, les quartiers, les tailles de magasins et les services rendus à la clientèle. Il s’agissait, au début, d’un engagement simple, puis ces chartes se sont développées dans leur contenu pour constituer un diagnostic de la situation existante et une prospective de développement. La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur les effets qu’avaient les contenus et engagements que contenaient ces chartes commerciales et de refuser à ces documents un caractère d’opposabilité aux pétitionnaires et aux demandes qui étaient présentées devant la commission départementale ou la commission nationale d’équipement commercial. Le Conseil d’Etat a refusé de reconnaître une portée normative à ces accords.

… au schéma de développement commercial
Les schémas de développement commercial avaient pour objectif de prendre le relais des chartes et de tester la possibilité d’encadrer l’organisation du commerce par l’analyse de l’existant et la mise en termes juridiques de la prospective.

Les schémas ont souffert de deux maux qui les ont rendus inefficaces. Plus que du défaut d’opposabilité, les difficultés sont nées de l’absence de budget pour établir ces documents, d’une part, et le défaut de méthodologie, d’autre part. Les opérateurs et les acteurs ne pouvaient pas s’appuyer sur ces schémas dont certains ne comportaient pas vraiment de dispositions qui puissent orienter le développement du commerce sur le territoire donné.

Pas plus que les chartes réalisées volontairement, les schémas auront eu un aspect contraignant. Le juge administratif a eu l’occasion de confirmer qu’ils n’avaient qu’une valeur indicative et que le non respect des orientations du schéma n’avait pas d’effet sur la légalité de la décision de la commission départementale.

L’architecture de la proposition de loi « Ollier »
Le principe acté par les élus : l’urbanisme commercial réintègre l’urbanisme de droit commun. Il s’en déduit qu’une seule autorisation administrative sera nécessaire pour la construction de magasins de commerce. Le permis de construire devient le centre du système.

Le DAC est un document nouveau et pérennisé. Le texte de la proposition issue des débats de l’Assemblée nationale en première lecture a permis une avancée certaine en unifiant la prise en compte du commerce dans le seul DAC. Toutefois, si le DAC nécessite d’une part une organisation interne plus structurée, celle-ci doit être facilement adaptable aux évolutions du commerce et de l’urbanisme. La nouvelle architecture du DAC ne doit pas pour autant se fonder sur la notion de zone commerciale « ZoCom » trop strictement définie. Ce zonage strict offre surtout une rente foncière aux commerces déjà situés dans les zones délimitées, lesquels bénéficieront d’une augmentation de la valeur de leur fonds du fait de leur seule présence dans la zone. Le DAC nécessitera une méthodologie interne.

Le DAC est un document révisable tenant compte de l’environnement commercial et urbanistique. L’intégration de l’urbanisme commercial dans le droit commun de l’urbanisme ne signifie pas pour autant la disparition des éléments d’appréciation fondés sur l’organisation du commerce lors de l’élaboration des règles d’urbanisme. C’est ainsi que le document commercial devra tenir compte des évolutions en matière de logements, d’aménagements, mais aussi des constatations d’évolution du commerce lui-même afin de répondre avec souplesse à la conformité de cette évolution avec les objectifs du SCOT.

La proposition oublie l’aspect commercial du permis de construire. Le permis de construire des bâtiments affectés au commerce ne peut être exactement le permis ordinaire ; il doit contenir des informations supplémentaires sur l’impact du projet sur la zone de chalandise quand bien même les constructions seraient dans une zone d’aménagement commercial. Sans doute, sa compatibilité avec les documents d’urbanisme pourrait être appréciée indépendamment et avant que les opérateurs aient exposé des sommes importantes.

En conclusion. La refondation de l’urbanisme commercial a pris une tournure qui devrait permettre de réaliser les projets dans des délais plus courts. Cependant, pour atteindre cet objectif, il convient que le texte offre de la souplesse dans l’élaboration et la révision des DAC ainsi qu’une appréciation particulière des permis de construire.

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