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Point de vue d'Olivier colcombet, OptimHome

Droits de mutation : un problème français

© DasWortgewand / Pixabay

Le marché immobilier résidentiel français va bien. Tous les indicateurs le démontrent et aucune région n'échappe à ce mouvement de reprise, sensible depuis une année. Les acquisitions de logements neufs, très observées parce qu'elles conditionnent la bonne santé de l'activité du bâtiment et des emplois en amont de la filière, sont évidemment concernées, mais la revente de logements existants porte aussi largement cet élan.

Il faut d'ailleurs préciser que l'essentiel des achats résidentiels se fait dans l'ancien : en 2016, pour probablement 250 000 achats dans le neuf, maisons individuelles ou appartements, on comptera 840 000 opérations relatives à des logements anciens. Un rapport de un à trois et demi en somme. Alors, on est tenté de se réjouir et de perdre de vue les freins structurels à un marché plus actif encore. Au rang de ces embarras, la fiscalité des mutations mérite d'être urgemment allégée, particulièrement pour les logements anciens.
 
Dans notre pays, acheter un logement existant coûte 8 % en plus du prix du bien lui-même : les droits de mutation, improprement appelés frais de notaire, sont perçus par tous les niveaux de collectivités locales, essentiellement le département, et par l'État. Les émoluments du notaire pour ses frais de rédaction d'acte en constituent une part mineure, mais le rôle de percepteur du notaire lui a valu d'être injustement assimilé au bénéficiaire de cet impôt. Il faut noter, en outre, que ces droits ont été récemment alourdis, la loi ayant autorisé les conseils généraux à augmenter leur part des frais de mutation pour leur assurer des produits de compensation après la réduction des dotations d'État dont elles étaient destinataires.
 
Enfin, il faut savoir que la France vit sur le principe de non affectation des impôts et taxes: Un principe constitutionnel veut que le produit d'un impôt ou d'une taxe prélevé dans un domaine donné n'ait pas réutilisé par l'État ou la collectivité qui l'a perçu au bénéfice du même secteur.
 
Vu leur haut niveau, les droits de mutation sont devenus un élément de viscosité du marché et de désolvabilisation de la demande. Que la banque accepte de les intégrer au prêt qu'elle consent à l'acquéreur ou que le ménage doive les apporter en fonds propres, nous voyons bien le problème : ceux qui n'ont pas d'épargne préalable seront exclus de l'achat et devront différer l'opération, et ceux que leur banque finance jusqu'aux frais de mutation verront leur mensualité grevée, au point que certains ne pourront la supporter. Ce sont probablement des milliers de familles que cet impôt éloigne de la propriété, parmi celles qui ont les moindres revenus et l'épargne la plus faible.
 
Qui plus est, à l'heure de la convergence fiscale entre les pays, notamment au sein de l'espace européen, la France fait figure de mauvais élève. En Autriche, l'équivalent des droits de mutation coûtent 2 %, comme aux Pays-Bas. La Suède se contente de 2,5 %, ainsi que la Bulgarie, où l'impôt varie de ce niveau à 4 % pour les transactions les plus élevées. Même mécanisme progressif en Tchécoslovaquie. A Hambourg, 3,5 % sont prélevés. Les Berlinois, avec 6 %, et les Portugais, entre 6 % et 8 %, se rapprochent de nous, en faisant néanmoins mieux.
 
Certains économistes avancent une théorie que le marché ne valide pas : le prix proposé tiendrait compte de cet impôt. Ce n'est pas le cas. Le propriétaire ne se soucie pas, et n'a d'ailleurs pas à le faire, de la fiscalité qui pèse sur l'acquéreur. En somme, les droits de mutation sont bel et bien une charge fortement augmentative du prix.
 
Les candidats à l'élection présidentielle, probables ou révélés, n'ont pas pour l'instant mis en avant de programme pour le logement. De plus, les voix des organisations professionnelles de l'immobilier sont plus ténues depuis que le marché a recouvré de l'énergie. Il ne faut pas que cette situation perdure: la conscience que les droits de mutation à titre onéreux sont insupportables et archaïques doit conduire l'équipe qui gouvernera la France à améliorer le régime fiscal des achats de logements anciens. Le résultat à en attendre est un marché plus vigoureux encore et plus démocratique, accessible aux ménages les moins aisés comme aux autres.

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