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Point de vue de Jérôme le Grelle, Convergences-CVL

Vers la fin du “revenu unique locatif” pour les centres commerciaux ?

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Les rendements des points de vente diminuant de manière structurelle, les loyers commerciaux sont sous pression, contraignant les bailleurs à repenser leurs sources de revenus.

Le patron de Ryan Air a récemment émis l’idée de passer du low cost au gratuit. Comment faire voyager ses clients gratuitement ? En vendant ses flux de passagers aux aéroports au lieu de leur payer les taxes aéroportuaires qu’ils réclament. Aux aéroports de valoriser ces flux par la mise à disposition d’emplacements commerciaux.

Autrement dit, ce serait aux enseignes de financer le transport aérien !

C’est faire fi de la réalité économique la plus criante. La consommation stagne, la fréquentation des centres commerciaux baisse et une part croissante des dépenses se fait hors magasin. Les rendements des surfaces commerciales diminuent donc mécaniquement tandis que les charges tendent à augmenter. Pour autant, les enseignes continuent à développer leurs réseaux afin de maintenir leurs chiffres d’affaires, tout en finançant des investissements stratégiques pour faire face à la révolution digitale.

On comprend aisément pourquoi elles sont devenues si dures dans la (re)négociation des conditions locatives que leur proposent les bailleurs, et pourquoi elles apprécient, il est vrai, les emplacements dans les gares et les aéroports, où les flux et les rendements sont plus importants.

Le flux, d’accord, mais pas à n’importe quel prix !

Même s’il n’est pas mentionné dans le bail ou dans la convention d’occupation, le flux est bien l’objet réel du contrat. Plus qu’une surface, c’est un flux de clients potentiels que le propriétaire de l’espace commercial procure au locataire. Dans les centres commerciaux, les locomotives bénéficient de conditions avantageuses dans la mesure où elles sont elles-mêmes génératrices de flux. Les enseignes “wagons”, elles, payent le flux au prix fort. Est-ce équitable ? Tant que les chiffres d’affaires sont au rendez-vous, cette question n’est pas centrale. Mais quand ils faiblissent, quand les bailleurs doivent faire des ponts d’or aux locomotives pour les attirer et introduire des activités de loisirs ou de restauration moins lucratives, peut-on demander aux enseignes de faire un effort supplémentaire?

Les bailleurs devront chercher à valoriser différemment les flux générés par les centres commerciaux.

C’est d’ailleurs ce qu’ils font, en accueillant des pop-up stores et en commercialisant des espaces publicitaires. Une autre piste est la collecte et la commercialisation de données sur les clients de leurs centres. Mais il faudra sans doute être plus “disruptif” : on se souvient du centre commercial Bluewater, ouvert à Londres en 1999, qui a imaginé instaurer un ticket d’entré payé par chaque visiteur – ils étaient 27 millions, et de fait les loyers étaient très élevés. Une idée jugée saugrenue à l’époque, mais qui déjà montrait le besoin de repenser l’approche locative. Radicalement ?