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Point de vue de Jérôme Le Grelle, Convergences-CVL

Geler les surfaces commerciales de périphérie ? Un combat d’arrière-garde

Les causes de la désertification commerciale des centres-villes sont multiples et ne se réduisent pas à la concurrence des sites de périphérie. Faut-il néanmoins réglementer plus sévèrement leur expansion, comme on l’entend à nouveau dire ces temps-ci ? Et si oui, comment le faire ?

© Julien Eichinger / Fotolia

L’intention n’est pas dénuée de fondement. Elle n’est pas franchement nouvelle non plus, étant quasiment née avec les centres commerciaux, mais le sujet devient de plus en plus compliqué à appréhender. De fait, on se heurte rapidement à des questions assez épineuses.

1 - Comment définir la notion de saturation ?

L’idée sous-jacente au contrôle renforcé des projets commerciaux est qu’un “seuil” de saturation serait atteint. On ne nie pas que certaines agglomérations soient manifestement suréquipées. Mais tant de paramètres entrent en jeu – liés aux profils des territoires, aux flux, aux enseignes présentes, à l’e-commerce… – que la notion de seuil acceptable ne pourra être que purement théorique, et en aucun cas universelle. 

2 - Comment réguler le commerce avec des critères de développement durable ?

On le voudrait qu’on ne pourrait de toute façon pas réglementer les implantations sur la base d’une notion de saturation, l’Union européenne l’interdisant au nom de la libre concurrence. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre réglementation est devenue absurde au point de soumettre   l’autorisation des projets à des critères non plus commerciaux mais environnementaux, avec des effets limitatifs d’ailleurs à peu près nuls.

3 - Statu-quo ou sclérose ?

Geler les projets reviendrait à figer les situations concurrentielles, à ôter aux sites en difficulté tout espoir de se restructurer, et, sans doute pire encore, à empêcher l’émergence de concepts mieux adaptés aux attentes de la société de demain. Rappelons que la plupart des recours contre les autorisations accordées sont le fait de concurrents menacés. Ce n’est à l’avantage ni des consommateurs, ni des territoires. 

4 - La surface de vente, mais qu’est-ce que c’est ? 

Une proportion croissante des ventes s’effectuant en ligne, les enseignes repositionnent aujourd’hui leurs magasins sur de nouvelles fonctions, moins transactionnelles, plus servicielles ou expérientielles. Les centres commerciaux s’ouvrent aux loisirs et à d’autres activités non strictement commerciales. 

Leur avenir ne passe plus par la course aux mètres carrés, mais par leur capacité à offrir une expérience réellement désirable à leurs clients. Combien de temps encore la surface de vente pourra-t-elle rester l’unité de mesure de notre appareil commercial ? 

Plutôt encourager qu’interdire

Entendons-nous : contrôler les projets commerciaux sur un territoire donné n’a rien d’absurde. Cela a même tout son sens s’il s’agit de permettre la réalisation d’un schéma de développement commercial clairement conçu, exposé et porté par la collectivité. Elle n’est plus alors dans une posture défensive, mais dans un rôle d'entraînement. C’est le meilleur moyen d’orienter et d’accélérer les investissements privés là où elle estime qu’ils seront le plus utiles, en centre-ville ou ailleurs, sans a priori.  

Le frein réglementaire n’a jamais empêché l’expansion du commerce de périphérie. Pourquoi le ferait-il aujourd’hui, alors que le contexte s’y prête de moins en moins ? L’heure n’est plus à la restriction, mais à l’adaptation de nos territoires à un commerce en train de vivre une véritable révolution.