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Pascale Prince, Denjean & Associés

Démolition partielle ou réhabilitation lourde : demandez un dégrèvement de taxe foncière !

Vous avez récemment réalisé ou engagé des travaux de réhabilitation lourde d’un immeuble à usage commercial ou industriel ? N’hésitez plus à déposer des réclamations pour obtenir un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés « bâties » !

© zolnierek / Fotolia

Les investisseurs opportunistes ou value-added et ceux confrontés à des actifs présentant une forte obsolescence ou inadaptation au marché sont amenés à effectuer des travaux de réhabilitation lourde, voire une démolition partielle ou totale de l’immeuble pour recréer de la valeur.

Or cette phase d’investissement pendant laquelle les locaux sont vacants fait peser sur le propriétaire le coût de la taxe foncière, qui ne peut par principe être refacturé. Si la démolition totale permet sans aucun doute de bénéficier d’un dégrèvement de l’imposition en l’absence de propriété bâtie, en cas de démolition partielle ou de travaux de réhabilitation lourde, la situation a longtemps été plus incertaine. La jurisprudence récente apporte d’intéressants enseignements sur les faits qui peuvent être mis en avant pour justifier le passage d’une imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB).

Pour rappel, la loi prévoit que la taxe foncière est établie annuellement à la fois sur les propriétés bâties et  sur les propriétés non bâties. Traditionnellement, l’Administration refusait de soumettre un immeuble à la TFPNB dès lors que ce dernier n’avait pas été intégralement démoli. Mais la situation a évolué sous l’effet d’une décision du Conseil d’Etat du 16 février 2015 (n°369862). Le Conseil d’Etat a jugé qu’« un immeuble qui fait l’objet de travaux nécessitant une démolition qui, sans être totale, affecte son gros œuvre d’une manière telle qu’elle le rend dans son ensemble impropre à toute utilisation ne peut plus être regardé, jusqu’à l’achèvement des travaux, comme une propriété bâtie ». La possibilité de bénéficier d’une imposition à la TFPNB en cas de démolition partielle est ainsi confirmée dans son principe. Néanmoins, les critères permettant de reconnaître l’absence de propriété bâtie au sens de la taxe foncière méritaient d’être davantage précisés. En effet, dans sa décision, le Conseil d’Etat se borne à indiquer que les travaux de réhabilitation doivent affecter le gros œuvre en rendant l’immeuble impropre à toute utilisation.

Un jugement du tribunal administratif de Cergy Pontoise du 10 mai 2016 (n°1304575) nous livre des éléments d’appréciation sur la nature et l’étendue des travaux susceptibles de justifier une imposition à la TFPNB. Dans cette décision, les juges s’intéressent aux éléments de gros œuvre affectant la structure : démolition des cloisons, murs intérieurs, planchers, travaux sur la façade et sur la toiture de l’immeuble… Ils visent en outre certains éléments de second œuvre (réhabilitation des installations électriques, sanitaires et en eau), et le curage de certaines zones,  qui participent quant à eux à l’usage de l’immeuble. Les juges apprécient enfin l’importance des travaux réalisés dans l’immeuble pris dans son ensemble (nombre d’étages affectés, superficie concernée), et leur impact sur la facilité d’accès aux différents niveaux. Dans l’affaire qu’ils ont été amenés à juger, l’imposition à la TFPNB a ainsi été refusée, car ces travaux n’avaient affecté qu’une « fraction très réduite » de la surface totale de l’immeuble et certains étages.

Ce jugement nous donne des indicateurs intéressants pour préparer un argumentaire quant à la nature des travaux ayant « affecté le gros œuvre d’une manière telle à rendre l’immeuble impropre à toute utilisation ».

En pratique, le fait générateur de la taxe foncière étant le 1er janvier, les propriétaires devront se ménager des preuves relatives à la nature, à l’étendue et à l’avancement des travaux à cette date. La pratique consiste donc à faire constater par procès-verbal d’huissier les travaux effectués sur l’immeuble avant le 1er janvier de l’année pour laquelle une imposition à la TFPNB sera sollicitée. Ce constat devra être suffisamment explicite pour servir de moyen de preuve à l’appui d’une réclamation.

Au final, la voie est désormais bien ouverte pour solliciter un dégrèvement de l’imposition pendant la période de travaux.  Les chances de succès seront d’autant plus importantes que le calendrier des opérations sur la fin de l’année aura été anticipé, et que le dossier présenté en support de la réclamation sera justifié au plan factuel et documenté. En particulier, il est indispensable d’apporter la preuve, par des photos et les faits constatés par l’huissier et versés à son procès-verbal, de l’importance des travaux réalisés sur l’immeuble.