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Jérôme Le Grelle, CBRE France

Faut-il avoir peur du Black Friday ?

© DAMIEN MEYER / AFP

En quelques années, le Black Friday s’est massivement imposé en France. Gardons-nous d’y voir un nouvel Halloween. Nous ne sommes pas en face d’un nouvel épisode de l’américanisation du monde, mais d’un signal fort du changement de paradigme du commerce.

Si le Black Friday existe aux États-Unis depuis les années 1960, ce sont Amazon et Apple qui l’ont introduit en Europe à partir de 2010. Il est donc arrivé chez nous par le canal de l’e-commerce avant de se propager au commerce physique, via les grandes enseignes multicanales (Fnac, DartyAuchan…) et les centres commerciaux, en profitant d’une réglementation des soldes et des promotions de plus en plus libérale et floue.

Le Black Friday est d’abord un accélérateur de croissance de l’e-commerce, dont le grand gagnant est Amazon.

Les chiffres sont là, les achats en ligne des Français lors du Black Friday, pour un panier moyen de 118 €, ont augmenté en moyenne de 30 % cette année, 40 % pour Amazon France. Avec 2 millions d’unités commandées, le 24 novembre 2017 a été "le jour le plus intense de toute l'histoire d'Amazon.fr", la fête se poursuivant le lundi suivant (Cyber Monday).

Quelles peuvent être les raisons du succès d’une opération promotionnelle aussi banale ?

Alors que le pic des soldes s’est effacé et que les rabais, promotions et autres ventes prétendument privées sont devenus monnaie courante, paupérisant les acteurs les plus fragiles du commerce, le Black Friday doit certes son succès à l’attrait de ses promotions, mais aussi à deux choses :

  • Il tombe avant Noël et non après.
  • Il est parfaitement orchestré par les grands de l’e-commerce, pure players ou enseignes omnicanales. 

Ces dernières, ou les indépendants ayant su développer leur activité sur le net, ont pu tirer leur épingle du jeu.

Le commerce dans son ensemble n’a-t-il pas plus à perdre qu’à gagner?

Les achats effectués lors du Black Friday en France ressemblent moins qu’Outre-Atlantique à des achats d’impulsion, probablement parce que les rabais sont moins intéressants. Il s’agit donc plutôt d’achats de Noël anticipés. Des achats qui auraient de toute façon eu lieu au prix fort ont donc été effectués à prix réduit, et plutôt en ligne. Si le consommateur est gagnant, le commerçant n’est-il pas ici le dindon de la farce ? D’autant que la forte majorité des transactions, soit 37 %, ont porté sur des articles de mode et accessoires, un secteur en grave difficulté aujourd’hui.

Rien n’indique donc que le Black Friday gonfle les ventes du commerce, au contraire. 

La fin novembre a pourtant vu la plupart des magasins, dans des rues et centres commerciaux déjà parés des guirlandes de Noël, arborer fièrement la signalétique noire du Black Friday.

La période précédant Noël, la plus faste mais aussi la plus propice à “l’enchantement” des magasins, serait-elle en train de se dissoudre dans une vulgaire et creuse opération promotionnelle ?

On peut penser que le commerce est en train de marcher sur la tête. Que les enseignes sont en train de tuer l’une des dernières fêtes qui justifiait la “ruée” vers les magasins. Pourtant, à y regarder de plus près, leur comportement est parfaitement rationnel :

  1. Les règles ont changé. Amazon impose sa loi, il faut s’adapter ou mourir.
  2. L’omnicanalité implique un continuum on/offline. Le Black Friday ne peut pas s’arrêter à la porte du magasin.
  3. Pour les consommateurs, l’e-commerce présente énormément d’avantages en période de Noël. Ils seraient d’ailleurs 37 % à prévoir de faire leurs achats de cadeaux sur le net.

Décidément, rien n’est plus comme avant dans le commerce d’aujourd’hui. Le changement de paradigme n’est pas un vain mot… et il ne fait probablement que commencer.

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