Business Immo, le site de l'industrie immobilière

XL - le ratio

© He2 / Fotolia

Chacun sait que le meilleur ami de l’investisseur en résidentiel urbain est… le concierge. Un concierge bien informé et bien disposé peut remplacer avantageusement les bases de données les plus sophistiquées. Si les concierges se font rares dans nos métropoles digitalisées, ils sont en revanche de plus en plus performants, les plus actifs d’entre eux prenant en charge des rues complètes.

Maria, représentante emblématique de cette nouvelle génération de concierges, surveille, pacifie et administre quotidiennement une jolie petite rue du 4e arrondissement de Paris fort convoitée par quelques marchands de biens prêts à payer le mètre carré avec cinq chiffres en euros. Maria et moi échangeons régulièrement ces propos badins qui, au bout du compte, scellent une connivence propice à d’indispensables confidences… Nous sommes fin décembre et admirons le sapin de Noël qu’elle vient de disposer au pied de l’escalier de l’immeuble où je réside, un bâtiment sans autre prétention qu’une façade haussmannienne récemment ravalée et une porte palière discrètement ornée de cuivre.

« Au fait Marc, à propos de décoration, vous qui êtes dans l’immobilier, est-ce que vous connaissez le xel ratio ? » me dit-elle sur le ton de la confidence. « Pardon ? » « Eh bien oui ! le XEL ratio… ça s’écrit XL, comme sur les T-shirt. C’est comme ça que dit Monsieur Bill. » Monsieur Bill… il s’agit de ce jeune Californien arrivé l’an dernier après l’élection de Donald Trump. Il habite au numéro 27 et réinvestit dans l’immobilier parisien ses dollars habilement moissonnés sur l’internet.

« En fait, Bill dit qu’il faut attendre Noël et compter les guirlandes ! » « ? ! ! » « C’est cela ! Il suffit de compter le nombre de balcons qui ont des décorations de Noël. S’il y en a beaucoup, c’est le signe que tout va bien dans l’immeuble. Regardez, au 19, comme c’est joli toutes ces lumières qui clignotent… Eh bien je peux vous dire qu’à l’intérieur c’est nickel et j’ai à peine besoin de passer l’aspirateur dans l’escalier. » « Et Bill ? » « Eh bien, il vient justement de signer au 19 pour sa troisième chambre de bonne… Par contre, regardez le 21 en face, tout tristounet, eh bien, c’est le pire, ça n’arrête de se chamailler sur les travaux de la cour et le changement des boîtes aux lettres. »

Je finis par comprendre d’où vient le nom étrange de cet improbable ratio : XL pour Xmas Lights ! bien entendu.

Et me voici, quelques heures plus tard, en voiture sur les boulevards environnants, scrutant avidement les façades à la recherche de guirlandes. Je constate que le XL ratio moyen de mon quartier est pathétiquement bas : sur dix immeubles, à peine un et demi arbore des guirlandes au balcon et seule une adresse sur 20 exhibe plus d’un appartement décoré. À l’issue de cette furtive exploration, je dois constater que le XL ratio de mon arrondissement ne dépasse pas 2/100 : soit environ un appartement décoré tous les cinq numéros.

Bon évidemment, s’il faut attendre le 15 décembre pour investir, cela limite l’intérêt opérationnel du ratio en question. Mais cette tentative d’évaluer numériquement la qualité de la vie en copropriété méritait d’être rapportée.

Mais, allons un peu plus loin ! À l’heure où un nombre croissant de voix s’élèvent pour contester la pertinence du PIB comme mesure de la performance des nations et alors que l’ONU sponsorise activement le « World Happiness Report », il me semble que ce Xmas Light Ratio recèle une certaine puissance politique, voire macroéconomique. Pourquoi ne pas mesurer le XL ratio du pays en début et en fin de quinquennat ? Pour une fois qu’un ratio est simple à comprendre et à contrôler par les citoyens, pourquoi s’en priver ? Et maintenant, à toi, cher lecteur, de lever les yeux et de compter les guirlandes aux balcons de ta rue, de ton village, de ton arrondissement, de ton pays !