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Grand Dérapage Express

Sont-ils capables de tuer le projet du siècle ? Le rapport de la Cour des comptes sur le Grand Paris Express sonne comme un avertissement à la veille des annonces d'Emmanuel Macron sur le périmètre et la gouvernance de ce programme d'infrastructures inédit depuis le Paris du baron Haussmann. De quoi souffre encore le Grand Paris ? D'un triple problème de finances, de stratégie économique et de gouvernance.

Sur le plan du financement, le rapport de la Cour des comptes met en exergue le dérapage inquiétant de l'estimation des coûts de construction du Grand Paris Express. De près de 23 Mds€ en 2013, on arrive à une addition prévisionnelle de... 38,5 Mds€ en juillet dernier. Une situation édifiante qui ne manque pas d'interroger, soit sur la capacité des services de l'État à chiffrer ses investissements d'infrastructure, soit sur le petit jeu des majors des travaux publics qui n'en finissent pas de renégocier le prix au moindre gravillon. En tout état de cause, cette subite inflation de plus de 60 % engendre une explosion de la dette supportée par l'État avec des frais financiers qui passeraient, selon la Cour des comptes, à 134 Mds€ et une échéance de remboursement prolongée de 25 ans jusqu'en 2084 ! Et en 2025, c'est plus d'un point de PIB de dette publique supplémentaire.

Un tel investissement est-il justifiable pour le seul plaisir des Jeux ? Car l'une des explications de cette dérive budgétaire reposerait sur la nécessité de boucler le réseau de transports avant 2024, date des JO de Paris. La véritable question est plutôt de savoir si l'on n'a pas eu les yeux plus gros que le ventre. Il n'aurait pas été futile de vérifier en amont la capacité de construire à la fois un métro souterrain de 200 km, une ligne express avec l'aéroport Charles-de-Gaulle et de terminer la ligne de RER Eole.

Cela aurait évité à certains de vouloir se partager la valeur avant de l'avoir créée. Car le Grand Paris souffre aussi d'une pathologie très française : l'abondance d'acteurs publics, et plus particulièrement politiques, qui rend le mille-feuille territorial quelque peu indigeste. Qui de la Ville de Paris, des départements de la petite couronne, de la Métropole du Grand Paris ou de la Région Île-de-France doit ou peut réellement piloter ce projet ?

La réponse sera certainement apportée dans les prochains jours par Emmanuel Macron. Elle ne saurait se limiter au seul volet comptable. Elle doit être politique car elle conditionne toute la stratégie d'attractivité économique du pays, et pas seulement de la capitale, à un moment où tous les regards convergent vers la France. À défaut, ce n'est plus un dérapage contrôlé, mais la sortie de route assurée.

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