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Le climat au cœur des relations entre actionnaires et entreprises

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Le changement climatique occupe une place toujours plus importante dans les assemblées générales des grandes entreprises carbo-intensives. Les ONG y multiplient les actions médiatiques pour dénoncer certains doubles discours environnementaux. De manière moins éclatante, des actionnaires tentent d’infléchir les stratégies des entreprises, pour faire baisser leurs émissions conformément à l’objectif 2°C de l’Accord de Paris.

La bataille de la transparence progresse, celle de la transition a commencé
Si 2017 avait été une année de bascule, 2018 est celle de la confirmation : sous la pression de résolutions déposées par des actionnaires lors des assemblées générales, les grands producteurs d’énergies fossiles vont désormais rendre compte publiquement des impacts du changement climatique sur la viabilité de leurs activités. Même ExxonMobil, qui a longtemps résisté aux demandes de reporting climat des investisseurs, a dû se résoudre à publier un rapport sur le sujet en février 2018.

La logique est simple : les investisseurs demandent aux entreprises d’expliciter leurs choix stratégiques face au changement climatique, alors que leur modèle économique est mis en danger par les réglementations environnementales et le boom des énergies renouvelables et des véhicules électriques.

Au-delà de cette transparence, l’assemblée générale de Shell, en mai 2018, constituait un point d’étape important pour étalonner le niveau d’ambition des investisseurs dans leur volonté d’accélérer la transition des entreprises. Pour la troisième année consécutive, l’ONG néerlandaise Follow This déposait une résolution appelant Shell à accélérer la transformation bas-carbone de ses activités.

En 2017, Follow This avait demandé à Shell de se fixer un objectif de réduction des émissions couvrant l’utilisation de ses produits – le pétrole et le gaz – et pas seulement ses activités de production. Si seulement 6% des voix des actionnaires s’étaient prononcées en faveur de la résolution, beaucoup avaient déclaré en soutenir les objectifs généraux. Shell avait finalement cédé en devenant le premier groupe pétrolier à afficher une « ambition » de réduire de moitié ses émissions indirectes en 2050.

En 2018, une nouvelle résolution demandait à Shell de transformer cette « ambition » en objectif ferme aligné sur l’objectif 2°C, accompagné d’un reporting régulier. Le très faible score obtenu par cette nouvelle résolution, 5%, montre les limites de la volonté d’une majorité d’investisseurs de contraindre les entreprises à une transition plus rapide à ce stade. Il constitue un argument pour les partisans du désinvestissement des énergies fossiles, qui pointent l’inefficacité des stratégies d’engagement actionnarial.

Malgré tout, l’AG de Shell a été le théâtre de demandes renforcées des actionnaires en matière de climat, y compris de la part de ceux qui n’ont pas voté pour la résolution. Dans une tribune publiée quelques jours auparavant dans le Financial Times, 60 grands investisseurs mettaient également la pression sur les entreprises des énergies fossiles pour qu’elles accélèrent leur transition. Adam Matthews, responsable de l’engagement actionnarial pour l’Eglise d’Angleterre, déclarait à l’issue de l’AG de Shell : « Nous avons assisté au début d’une nouvelle phase d’engagement où les actionnaires appellent les compagnies pétrolières à réduire leurs émissions globalement et efficacement. Le temps est venu pour la prochaine génération de résolutions ».

Des reporting à améliorer chez les « majors » pétrolières
Les premiers rapports climat publiés par les producteurs d’énergies fossiles marquent une avancée inédite en matière de transparence. Leurs contenus restent toutefois imparfaits, et les investisseurs se sont globalement montrés critiques quant à l’approche adoptée. Les entreprises ont davantage conçu leur reporting comme un exercice de communication que comme une réelle démarche de transparence.

Les investisseurs souhaitent que les rapports se conforment aux recommandations publiées en 2017 par la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) créée par le G20. Pour les suivre, les entreprises devraient notamment expliquer, chiffres à l’appui, comment leur santé financière serait affectée par différents scénarios de transition bas-carbone, y compris un « scénario 2°C », en détaillant les hypothèses retenues : niveau des taxes carbone, rythme d’adoption des énergies renouvelables et des voitures électriques, impact de la demande sur le prix des énergies fossiles, etc.

Or, les entreprises se sont souvent contentées de scénarios peu détaillés, qui visent à faire passer le message suivant : « le changement climatique ne nous fait courir aucun risque ». Le think tank britannique Carbon Tracker, qui a analysé les scénarios publiés par les majors pétrolières, montre que leur marge d’amélioration est élevée (cf schéma ci-dessous). Le reporting ne permet actuellement pas aux investisseurs d’évaluer si les stratégies des entreprises sont réellement résilientes face à la transition bas-carbone.

Source : Novethic

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