Business Immo, le site de l'industrie immobilière
Par William Azan & Barthélémy Lathoud, Herald Avocats

L’audit des permis de construire, une pratique essentielle

Intervenant dans un environnement juridique et opérationnel complexe, l’audit d’une autorisation d’urbanisme vise à assurer la sécurité juridique d’une opération immobilière. Mais pour y parvenir, son périmètre ne doit pas être limité à sa légalité au sens du droit administratif, mais au contraire tâcher de dépasser la conformité réglementaire par une étude à 360° du risque contentieux.

© Uladzimir / Adobe Stock

Solliciter son conseil pour auditer une autorisation d’urbanisme en lui demandant d’anticiper sur la probable interprétation du dossier qui en sera faite par le service instructeur est à la mesure de la place remarquable qu’occupe le secteur de l’immobilier dans l’économie française. Bien évidemment, l’objectif principal de l’audit d’une autorisation d’urbanisme est d’assurer la sécurité juridique de l’ensemble économique des transactions qui en résulteront et des flux financiers qui s’agrègent autour de l’opération immobilière. Cette opération intervient en effet dans un environnement juridique et opérationnel complexe, composé de promesses de ventes, de contrats de réservation, de ventes en l’état futur d’achèvement (Vefa), de ventes d’immeubles à rénover (VIR) et d’encore bien d’autres types de contrats, le plus souvent soumis au droit privé. En sécurisant l’opération, l’audit permet de donner de la prévisibilité au maître d’ouvrage et à ses bailleurs de fonds, de sécuriser la levée des conditions suspensives, ou d’être un facteur de déclenchement de l’exécution d’engagements contractuels, voire de la résolution d’accords antérieurs.

Exercice complexe à l’efficacité limitée s’il est cantonné au simple contrôle de la conformité réglementaire de l’autorisation d’urbanisme, comme celui auquel procède un architecte avant le dépôt du dossier, le véritable audit juridique pertinent s’attache à apprécier les risques contentieux du projet selon une matrice pondérée, à anticiper l’interprétation du service instructeur et d’éventuels requérants ainsi qu’à étendre l’analyse aux éventuelles conséquences fiscales de l’autorisation, s’agissant par exemple des taxes exigibles pour la création de bureaux en Île-de-France.

Ainsi, il n’est généralement ni souhaitable ni efficient de limiter le périmètre d’étude à sa légalité au sens du droit administratif en procédant comme peuvent le faire les préfets au titre du contrôle de légalité. L’intérêt de l’exercice consiste plutôt à essayer d’anticiper les conséquences susceptibles de résulter d’un contentieux judiciaire de nature contractuelle ou extracontractuelle (copropriété, servitudes…). Cette étude à 360° est donc à l’exact opposé de la notion de « réserve des droits des tiers » traditionnellement consacrée par la jurisprudence administrative qui, en pratique, ne cloisonne pas véritablement le risque contentieux.

Trouver la bonne méthode

À notre sens, la méthodologie de l’audit des autorisations d’urbanisme doit donc nécessairement dépasser la conformité réglementaire et donc inclure l’étude des droits des tiers pour une appréciation in concreto de la légalité et/ou des difficultés posées par telle ou telle autorisation, en s’appuyant sur une matrice des risques contentieux. En effet, la présence d’un tiers (riverain, copropriétaire, acquéreur potentiel de droits sociaux…) est susceptible de modifier totalement l’équilibre du projet au travers de la multiplicité des actions contentieuses dont il pourrait disposer en s’appuyant sur ses spécificités propres.

S’il existe aujourd’hui une méthodologie de l’audit comptable, rien de tel pour l’audit juridique d’une autorisation d’urbanisme, ni sur le fond ni sur la forme. Les audits dépendent donc quasi exclusivement de la compétence, de l’expertise et de l’expérience de leur auteur dans le domaine considéré. Dans les faits, les audits suivent généralement une grille d’analyse qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le débat contentieux (complétude des pièces, compétence, légalité externe, légalité interne…).

Le fait de définir une méthode plus scientifique et plus systématique de l’audit des autorisations d’urbanisme sous un prisme contentieux présenterait un véritable intérêt pour celui qui commande l’audit comme pour celui qui le réalise en fiabilisant l’exercice tout en réduisant les coûts. Celle-ci pourrait prendre alors la forme d’une grille d’analyse commune à l’ensemble des autorisations d’urbanisme reposant sur une évaluation des risques contentieux associée à une pondération des différents aléas mis en exergue.

En ce sens, l’audit impose d’apprécier et d’évaluer le risque contentieux en fonction des forclusions et des prescriptions procédurales, de prendre en compte diverses données de l’opération (nombre de mètres carrés à construire, destination finale des travaux, règles d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, normes relatives aux Établissements recevant du public (ERP), réglementation thermique, installations classées pour la protection de l’environnement...).

Anticiper le risque contentieux

L’exercice n’intègre cependant pas tout ce qui relève de la maîtrise d’œuvre ou de la responsabilité de l’entreprise, notamment en ce qui concerne les troubles anormaux de voisinage, les nuisances ou le régime des déchets de chantiers. À ce stade, les questions de la recevabilité des actions, de l’intérêt à agir, de la forclusion et des voies et délais de recours peuvent être tranchées sans nuances, si ce n’est que la règle autorisant le retrait de l’autorisation par l’autorité administrative d’un acte créateur de droits (CE 26 octobre 2001, Ternon, n°197018). Sur le fond, le caractère relatif de l’analyse peut être tempéré à condition que la méthode suivie permette de sérier les illégalités en considération de leur caractère régularisable et/ou éventuellement régularisable. Ce classement obéit en réalité au critère dit de l’effectivité du grief éventuel en s’attachant à identifier les seuls griefs graves et non régularisables.

Il en va ainsi des règles d’ordre public et de celles de chaque article du plan local d’urbanisme (PLU) applicable à la zone concernée. Dans le premier cas, une « check list » permet de vérifier si l’obligation réglementaire a été ou non respectée (consultation administrative obligatoire, prescription architecturale dans un secteur sauvegardé…). Dans le second cas, l’exercice peut s’avérer plus complexe lorsque le PLU comporte des prescriptions réglementaires peu explicites ou délicates d’interprétation. Il est alors nécessaire de s’en remettre à une analyse jurisprudentielle, parfois longue à se dessiner, d’autant plus en droit de l’urbanisme et de l’aménagement qui fait l’objet de fréquentes réformes.

Plusieurs décisions de justice, parfois contradictoires, sont ainsi nécessaires pour interpréter correctement une disposition réglementaire. L’utilité d’un audit réalisé le plus en amont possible n’est donc plus à démontrer, une erreur d’interprétation tardivement identifiée en aval après délivrance du permis et au stade du recours contentieux pouvant s’avérer extrêmement coûteuse, voire compromettre la réalisation de l’opération. Si le rapport du Conseil d’État pour un droit de l’urbanisme efficace a enclenché un mouvement salutaire pour la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme, encore approfondie récemment par le législateur, la pratique doit désormais s’accorder sur une méthodologie commune d’appréciation des risques contentieux attachés à celles-ci afin d’améliorer la fluidité des actes notariés notamment, ou la libération rapide des fonds nécessaires au financement des travaux, par exemple.


Article issu du numéro 180 de Business Immo Global.

Pour consulter le numéro dans son intégralité, cliquez ici

Business Immo