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Anne-Charlotte Rivière et Sarah Fleury, associées, Goodwin

Property Sciences, un marché en devenir

PropSci. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il pourrait, au même titre que la PropTech il y a quelques années, devenir un secteur incontournable du marché immobilier français. Le cabinet Goodwin fait le point sur l’émergence de cette nouvelle classe d’actifs consacrée aux sciences de la vie.

© Urupong / Adobe Stock

Le marché américain de la PropSci (Property Sciences), l’immobilier dédié aux sciences de la vie, est de très loin le plus important et le plus mature, avec des acteurs incontournables comme Alexandria Real Estate. Le marché européen est naissant et, comme souvent dans le monde de la santé, s’est amorcé au Royaume-Uni et dans les pays nordiques. En 2021, 445 M$ ont été investis au Royaume-Uni (dont notamment l’acquisition par la joint-venture Harrison Street et Trinity IM d’un portefeuille de 12 actifs PropSci dans des bioparcs) et 222 M$ au Danemark.

En France, le marché ne semble pas encore être actif, même si l’intérêt des investisseurs immobiliers pour le secteur de la PropSci s’est accru. Ces marques d’intérêt s’expliquent d’une part par l’attention portée aux investissements dans la R&D pour les sciences de la vie en suite de la pandémie liée au Covid-19, et d’autre part, par une réflexion autour de la transformation d’immeubles de bureaux. L’écosystème français des start-up en santé a fortement évolué au cours de ces dernières années, mettant la lumière sur nombre d’entre elles et laissant place à des acteurs plus matures dont les besoins immobiliers ne sont pas ou peu satisfaits à ce stade. Le plateau parisien (Génopole à Évry, Paris-Saclay, Biocitech à Romainville) en est d’ailleurs un bon exemple quand bien même le phénomène s’observe également en province comme à Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux ou Nantes.

Où veut s’implanter la PropSci ?

Les jeunes start-up, avant leurs premières levées de fonds, s’établissent généralement dans des pépinières situées au sein d’hôpitaux ou d’instituts spécialisés, comme Paris Santé Cochin, ou Paris-Salpêtrière. Au fur et à mesure qu’elles lèvent des fonds et se développent, se pose pour elles la question de leur hébergement et de leurs locaux. On observe que leurs besoins et demandes évoluent avec leur maturité. Ainsi, les jeunes start-up (en amorçage ou Séries A) cherchent souvent à s’établir dans un incubateur à proximité d’un centre hospitalier, d’une université ou d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche. Dans la plupart des cas, elles ne pourront y rester que deux ou trois ans. On citera à titre d’exemples Agoranov, dans le 6e arrondissement de Paris, ou Paris Innovation Boucicaut.

Un grand nombre de ces incubateurs ont été lancés et financés par des fonds publics, pour certains avec le concours d’industriels ou groupes pharmaceutiques (cluster Paris-Saclay). Quelques rares incubateurs ont vu le jour plus récemment, à l’initiative de fonds d’investissement privés spécialisés en Tech-Biotech (comme le Passage de l’innovation, à Bastille, financé par le fondateur du fonds iBionext). Ces jeunes start-up cherchent dans ces incubateurs la souplesse d’occuper plus d’espaces selon le rythme de leur croissance, les équipements et plates-formes technologiques, ainsi que les services (services juridiques, services marketing/presse, etc.).

Les contrats mis en place dans ce cadre sont des contrats de services avec mise à disposition d’espaces. Leur durée varie habituellement entre 24 et 48 mois avec, dans certains cas, la possibilité que négocie l’hébergeur de mettre fin au contrat de manière anticipée dans l’hypothèse où la start-up ne réalise pas sa levée de fonds suivante dans un délai déterminé. Les start-up plus matures (Séries B ou Séries C) recherchent des locaux de surface plus importante qu’elles trouvent dans un marché locatif tertiaire plus habituel et signent des baux commerciaux de neuf ans avec possibilité de libérer les locaux au bout de trois et de six ans.

La demande dépasse l’offre

La demande à Paris semble largement dépasser l’offre disponible. L’immeuble Biopark, dans le 13e arrondissement de Paris, spécialisé dans le secteur des sciences de la vie, a été rapidement entièrement loué. Les fonds d’investissement dédiés aux sciences de la vie relèvent l’importance de la localisation des sièges de leurs jeunes entreprises. Selon eux, une localisation à Paris intramuros proche de pôles d’enseignement supérieur ou industriels est une condition sine qua non pour attirer les talents, et notamment les chercheurs étrangers. Dans un contexte où le vieillissement de la population, l’évolution de la recherche scientifique, l’émergence d’un écosystème de start-up santé françaises sont autant de facteurs qui devraient faire croître le marché des entreprises et fonds spécialisés en sciences de la vie. Il est fort probable que de plus en plus d’investisseurs immobiliers s’interrogent sur l’opportunité de s’engager dans cette nouvelle classe d’actifs immobiliers appelée PropSci (en écho à la PropTech).

Notre analyse du marché français de la PropSci est que les investisseurs immobiliers connaissent encore peu les acteurs des sciences de la vie, leurs besoins, leurs modes de croissance, leur écosystème. Ils sont toutefois de plus en plus intrigués par cette classe d’actifs, constatant notamment le fort intérêt de ce secteur aux États-Unis pour des investisseurs internationaux (Blackstone, KKR, LaSalle), la stratégie axée sur la démographie et la santé et l’augmentation rapide du financement du capital-risque. Plusieurs stratégies d’investissement seront possibles : une stratégie d’achat de plate-forme opérationnelle dédiée au secteur des sciences de la vie, une stratégie de construction d’actifs immobiliers, ce qui suppose un partenariat avec des entreprises ou promoteurs aguerris à ce type d’actifs. Le défi sera enfin la bonne localisation : le succès de cette classe d’actifs dépendant très fortement de son écosystème.


Sarah Fleury  

Associée au sein du groupe immobilier de Goodwin, elle conseille les investisseurs et les promoteurs français et internationaux sur l’ensemble de leurs transactions immobilières, notamment en matière de cessions d’actifs et de sociétés détentrices d’actifs immobiliers, de joint-ventures et de fusions-acquisitions immobilières, d’investissements en hôtellerie, d’acquisitions d’immeubles de bureaux, de locaux commerciaux et de baux commerciaux.

Anne-Charlotte Rivière

Associée au sein du Groupe Technologies et Life Sciences de Goodwin, elle intervient principalement dans le cadre de transactions dans les secteurs des sciences de la vie et des technologies, conseillant des entreprises à tous les stades de leur développement, des investisseurs et des équipes de management.


Article issu du numéro 182 de Business Immo Global.

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