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La place des femmes dans l'immobilier - La relève est en marche

L’immobilier, un métier d’hommes ? Cette image, nécessairement caricaturale, a encore de beaux jours devant elle. Côté statistiques, la progression des femmes dans l’immobilier se fait lentement, très lentement. Côté carrières, une petite poignée de femmes pousse les portes des majors de l’industrie immobilière. Une petite poignée seulement… Voilà pour la face émergée de l’iceberg.

Derrière cette réalité, pourtant, une armée de femmes s’apprête à prendre la relève. Finance, promotion, investissement… : elles ont investi, sans complexe, tous les champs de l’industrie immobilière, à l’exception du brokerage peut-être où elles brillent par leur absence aux postes de commandes. Une nouvelle génération de jeunes femmes fourbit, sans tambours ni trompettes mais avec efficacité, ses armes. Mieux formée, plus mobile, cette génération fait tomber des barrières et fait mentir les chiffres. C’est la partie immergée de l’icerberg. Business Immo Madame a enquêté sur ces nouveaux profils de femmes, ces nouveaux managers qui font conjuguer l’immobilier au féminin.

1 / Formation : des parcours plus musclés et plus ouverts

ESTP, quelques HEC, deux ou trois Centrale, une énarque : les grandes écoles mèneraient-t-elles, enfin, à l’immobilier ? La voie royale n’est clairement pas la plus empruntée mais elle fait une petite percée dans l’industrie immobilière. Les spécialistes de la formation s’en réjouissent. Cette évolution, à la marge soit-elle, témoigne d’un relèvement, par le haut, du niveau des voies d’accès à l’immobilier mais aussi d’une ouverture plus grande. L’immobilier n’est plus la chasse gardée des ingénieurs et des diplômés des Mastères et autres MBA option finance, jusqu’ici les deux mamelles de cet univers, mais vont chercher désormais ailleurs leurs recrues. « Les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à se repositionner dans l’immobilier. Nous constatons année après année, un volume croissant de jeunes diplômées femmes issues de l’ESTP, qui est désormais une formation assez mixte et représente un bon vivier pour les métiers du management de projets en immobilier », souligne Marion Gadot, senior manager au sein de Hays Immobilier. « Il y a autant de Bac + 5 femmes qu’hommes dans l’immobilier », confirme Françoise Faligan, présidente d’Aurès Conseil.

Ces jeunes recrues, d’où viennent-elles ? Les Mastères restent une bonne voie d’accès à l’immobilier. Une poignée d’entre eux – comme le Mastère Mogi de l’ESTP – sortent résolument du lot. « L’ouverture à d’autres cursus (juridique, financier…) profite, dans l’immobilier, aux femmes chez qui naissent des vocations dans le management de projets, le property management, la gestion ou l’administration de biens », ajoute Marion Gadot. Mais on constate de moins en moins de dominante en matière de formation. La diversité des voies d’accès est, en 2011, plus grande. « Des verrous ont sauté. Le relèvement du niveau des diplômes permettant d’accéder à l’immobilier est incontestable. De plus en plus, ces femmes sont diplômées des écoles de commerce et d’ingénieurs », confirme Ivan Jeleff-Daroux, associé au sein de Synapse Executive Search à Paris. « Les diplômes des femmes choisissant l’immobilier sont de plus en plus musclés. Incontestablement, il y a une élévation du niveau académique », abonde Emmanuel Cazier, conseil en recrutement.

Situation un peu particulière pour les architectes, qui se retrouvent à quasi-parité hommes/femmes lors de leur cursus. A la sortie de l’école, deux cas de figure se présentent : intégrer un cabinet ou créer le sien. « Les femmes qui prennent l’option d’ouvrir leur cabinet sont plutôt rares. Elles préfèrent rejoindre des cabinets existants avec des postes salariés à responsabilité », distingue Dominique Noël, présidente-fondatrice au sein d’Archibat, cabinet spécialisé dans le recrutement pour les architectes et les ingénieurs.

2 / Filières : des barrières tombent

Les hommes dans la promotion et la finance. Les femmes dans l’administration de bien, la gestion plutôt en logement et les fonctions support ? Cette présentation, un peu caricaturale, est de moins en moins avérée. La galerie de portraits que nous vous proposons en pages 36 en témoigne. Mais en termes de statistiques, les évolutions restent minimes. Une enquête plus poussée issue de l’Annuaire de l’Immobilier édité par Business Immo recense 20,31 % de femmes travaillant dans l’immobilier. Elles sont 16,63 % chez les investisseurs, un peu moins de 20 % chez les conseils, 15 % chez les promoteurs, 17,2 % chez les experts et 28,5 % chez les avocats. Chez les utilisateurs, elles sont 9 % à être directeur immobilier. Voilà pour les chiffres. Les évolutions par rapport à l’édition 2009 de Business Immo Madame sont à la marge.

« En promotion immobilière résidentielle, les développeurs, les directeurs de centres de profit (antenne, agence, région, territoire..), les fonctions techniques, font peu de place aux femmes, tout comme les plates-formes de sourcing et de distribution de produits défiscalisés. Elles sont peu présentes dans les services et le conseil, l’animation de réseaux, les directions immobilières utilisateurs, chez les investisseurs. Par contre, la mixité est de mise dans la gestion locative (administration de biens à l’exception du syndic de copropriété, « property management »). Elles sont bien représentées dans le logement social, à des postes de direction juridique notamment, dans les sociétés d’économies mixte - entreprises publiques locales désormais... Elles sont très représentées dans la commercialisation locative de boutiques et surfaces commerciales, le « retail » en général », développe Laurent Derote, au sein du cabinet Hudson. La photographie de la répartition des femmes dans l’industrie immobilière est assez peu engageante. « Il existe encore des chasses gardées. Mais les évolutions sont très satisfaisantes », tempère Françoise Faligan.

Pourtant, des évolutions – sans révolution – se font jour. Quelques femmes pointent le bout de leur nez au sein des structures de promotion. D’autres encore mettent un pied dans le monde feutré des foncières. Portées par des formations plus variées, elles poussent des portes de filières qui leur restaient, jusqu’ici, plutôt fermées. « On remarque un peu plus de profils féminins chez les responsables de programmes. Une évolution en lien avec la progression des filles ingénieurs », laisse entrevoir Joëlle Florin-Lalande, consultante chez Yves Marie Consultants (YMC). Et d’ajouter en le regrettant : « les femmes se retrouvent plus dans des fonctions support comme les directions financières, juridiques et RH ». « Dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage, les femmes sont présentes, à de très beaux postes », ajoute Dominique Noël.

3 / Hiérarchie : une montée en responsabilité

Des femmes, un peu mais à quels postes et surtout à quel niveau de responsabilités ? Une étude plus fine des VIP de l’Immobilier édité par Business Immo fait ressortir un pourcentage de 15,7 % de femmes. Elles sont assez peu présentes dans la logistique (6,42 %), la promotion (5,69 %) et l’investissement (10,2 %). Elles décollent un peu dans les secteurs du commerce (14,8 %), des conseils et des experts (14,4 %), du FM-PM (13,01 %), des utilisateurs (15 %) et des foncières (18,7 %). Elles sont bien représentées dans les secteurs du développement durable (23,3 %) et les professions juridiques.

Parmi ces VIP, les femmes restent encore rares aux commandes dans l’investissement ou l’asset management. Parmi les foncières par exemple, on dénombre 48 femmes « directeur » contre 172 directeurs hommes, 5 directeurs généraux contre 72 hommes, 2 directeurs généraux adjoints contre 10 hommes, 4 présidents-directeurs généraux comtre 92 hommes, 2 présidents du directoire contre 9 hommes, 2 présidents de conseils d’administration et trois vice-présidents. « Elles n’ont pas les postes d’attaque », résume Joëlle Florin-Lalande. Pas encore…

Les talents de demain, il faut les dénicher dans la génération des 30-40 ans. La galerie de portraits que nous vous proposons en page 36 ne reflète pas cet ostracisme de fait. Des femmes – jeunes de surcroît – à des postes de responsabilité, nous en avons déniché sans mal une cinquantaine. Mais la liste aurait pu être bien plus longue. « Nous observons une montée en responsabilité de jeunes femmes au sein de structures comme Unibail-Rodamco, Foncière des régions, GE. C’est désormais une tendance de fond qui se fait jour depuis environ cinq ans. La prise de responsabilité est plus précoce, autour de 30 ans. Comme elles sont peu nombreuses, elles se font plus facilement remarquer. Elles ont donc, de ce point de vue, une véritable carte à jouer », observe Emmanuel Cazier. « On constate une montée en gamme des 30-40 ans à des postes de chefs de services, responsables de départements… Des postes qui ne sont pas encore sous la lumière », ajoute Françoise Faligan. « C’est incontestablement la grande évolution. L’arrivée de ces jeunes pousses, mieux formées, va modifier la donne dans les cinq prochaines années. Ce sera de plus en plus difficile de ne plus nommer des femmes aux postes de direction. Cette génération ne se laissera pas discriminer », argumente-t-elle.

Comment les femmes gèrent-elles leurs carrières ? « La mobilité est soutenue. Nos candidates ont, en général, un parcours de 3-4 ans dans une structure avant d’accéder à des fonctions de manager d’équipes. Ce sont des populations qui ont envie d’évoluer vite et démontrent de grandes capacités managériales de part leur nature consensuelle », partage Marion Gadot. C’est ensuite que leur progression semble enrayée. Comparée aux hommes, l’ascension des femmes à des fonctions de direction est plus lente et le timing est plus long.

Résultat : il existe un vrai vide chez les 35-40 ans pour occuper des profils de direction. Analyse confirmée par Joëlle Florin-Lalande : « nous sommes dans un trou de génération. Les femmes de 30-40 ans sont nettement moins représentées. Nous les voyons entre 25 et 35 ans à des postes opérationnels, de directions d’agences… puis nous les retrouvons entre 45 et 50 ans. Mais entre les deux, elles disparaissent ».

Comment l’ expliquer ? « A un moment donné, pour être dans le premier cercle, il faut prendre les armes des hommes et accepter de passer de l’autre côté de la barrière. Les femmes n’osent pas pour de mauvaises raisons car elles travaillent bien, sont rigoureuses, fidèles et compétentes », lance un observateur du secteur. Un sentiment que ne partagent sans doute pas les premières concernées qui décident de mener de front réussite professionnelle et réussite personnelle, au rythme choisi. « La génération des 30-40 ans a décidé de prendre sa carrière en main, sans arrivisme ni egos sur-dimensionnés. Ces femmes affichent une position par rapport au travail complètement décomplexée. Elles avancent sereines et tranquilles et se démarquent en cela de la précédente génération qui a eu les dents très longues », analyse Ivan Jeleff-Daroux.

4 / Crise-reprise : la place des femmes

Comment les femmes ont-elles, dans leurs trajectoires professionnelles, été impactées par la crise ? Et comment s’inscrivent-elles dans un contexte de reprise ? « Le recrutement dans les métiers de l’immobilier enregistre une très forte croissance par rapport à l’année dernière. En 2010, notre activité va être multipliée par 2,5 en termes de signatures de contrats par rapport à 2009, mais c’est un niveau encore inférieur d’un tiers à l’activité 2007. Cette reprise du secteur du recrutement ne profite pas forcément aux femmes », compare Laurent Derote. « Elles sont toujours présentes dans les fonctions support mais elles progressent à ce jour assez peu aux postes de direction dans la promotion, l’investissement ou le conseil », conclut-t-il.

Les femmes ne semblent pas bénéficier d’un traitement différent dans les périodes de crise et/ou de reprise. Le vrai frein à la progression des carrières féminines est plus à chercher du côté de la maternité. « Tout le monde fait comme si cela n’existait pas », ajoute Françoise Faligan. Et peu en parlent sans tabou…


Rédactrices du Cercle des Femmes de l'immobilier : Joëlle Chauvin (Aviva Investors Real Estate); Barbara Koreniouguine (BNP Paribas Real Estate) ; Marie-Pierre Sandillon (Ogic) ; Florence Franzoni (Sovafim) ; Hélène Bedon-Rouanet (IEIF) ; Christine Taïeb (BNP Paribas REPM) ; Aurélie Lemoine (CB Richard Ellis) et Sandra Roumi, rédactrice en chef de Business Immo.

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