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12 mai 2025 | 14:48 CET

Le système français de classement des hôtels sous le feu des critiques

Selon un rapport récent, 60 % des hôtels français ont gagné des étoiles supplémentaires sans améliorer leurs services dans le cadre d'un système national d'évaluation jugé "minimaliste"
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Adrien Gloaguen, de Touriste Hotels, estime que le nouveau système français d'évaluation des hôtels a supprimé de nombreux critères obsolètes, même s'il permet aux hôteliers de gagner des étoiles supplémentaires sans modifier la taille des chambres. (CoStar)

Le système national de classification des hôtels en France est tellement "minimaliste et basique" que les hôteliers peuvent, avec peu d'efforts, gagner des étoiles supplémentaires dans l'espoir d'augmenter les prix des chambres, selon la 34ème édition annuelle du Panorama de l' industrie hôtelière française par les analystes de l'industrie hôtelière Coach Omnium.

Malgré une réforme du système de classification des hôtels Atout France géré par le gouvernement en 2022, peu de choses ont changé, déclare le fondateur de Coach Omnium, Mark Watkins.

"L'augmentation d'une quarantaine de critères à plus de 200 depuis 2009 n'offre aucune garantie. ... Le système de notation, son mode de contrôle et ses nombreuses anomalies et lacunes restent inchangés", précise-t-il, affirmant que le système impose des "critères minimalistes" qui permettent à un hôtel de gagner de "fausses étoiles ... sans effort et sans enrichir son service". Les clients sont déconcertés, voire agacés, a-t-il ajouté.

Quatre-vingt-onze pour cent des hôtels parisiens sont notés selon ce système national et 66 % en province, d'après Coach Omnium.

Watkins a déclaré que le principal changement était l'ajout de "critères environnementaux" au processus de certification, ce qui a été repris par le Groupement des Hôtelleries et Restaurations, qui a déclaré dans un communiqué que "l'on notera en particulier l'obligation de mettre en œuvre au moins une mesure visant à réduire la consommation d'énergie, la consommation d'eau et les déchets, ainsi que des mesures visant à réduire l'impact environnemental de la gestion du linge et à mettre en place des systèmes de tri des déchets."

Les hôteliers estiment que bon nombre des nouvelles exigences sont dépassées ou non pertinentes.

"Pour notre hôtel, nous avons choisi un classement 2 étoiles au lieu des 3 que nous aurions pu obtenir", remarque Cédric Lacombre-Vasseur, directeur général de l'hôtel La Bastide de Vaison, dans le département du Vaucluse. "Et ce pour de nombreuses raisons. En fin de compte, quand on y regarde de plus près, de nombreux points peuvent être 'achetés' sous le couvert d'une fausse conscience environnementale."

Une autre raison : L'hôtel aurait dû payer jusqu'à 2 000 euros de formation pour se conformer aux nouvelles exigences pour un hôtel 3 étoiles. "L'écologie n'est pas financière. Cela n'a pas de sens d'être obligé de payer cette somme pour montrer que nous avons un engagement environnemental, parce que nous agissons déjà. Nous n'avons pas besoin que quelqu'un nous l'apprenne. Je préfère donc ne pas avoir l'étoile supplémentaire plutôt que de me mettre au service de l'écologie pour la gagner", explique-t-il.

Des étoiles dans les yeux

Mark Watkins estime que les nouveaux critères ne tiennent pas compte des éléments essentiels. Par exemple, un hôtel 4 étoiles n'est pas tenu d'avoir un ascenseur, tandis que les chambres doubles peuvent être aussi petites que 16 m², salle de bain comprise.

Il ajoute que de nombreux hôtels 4 étoiles de luxe et de charme en France ont des chambres aussi petites que 13 m², précisant que les règles autorisent une "tolérance" de réduction supplémentaire de 10 % de la taille de la chambre, salle de bain comprise.

Atout France, qui n'a pas répondu aux demandes de commentaires de CoStar News Hotels, décrit le système comme "un marqueur de qualité" - et les changements de 2022 ont offert "l'occasion d'évoluer".

Pour Mark Watkins, le nouveau système de classement par étoiles a conduit à une grande "inégalité de qualité et de services" pour les hôtels de la même catégorie. Il en résulte, selon lui, que les garanties de qualité ne sont pas au rendez-vous et que les consommateurs sont souvent lésés. "Si les hôtels certifiés respectaient strictement les normes du système, ils ne reverraient jamais leurs clients, tant ces normes sont éloignées des attentes des voyageurs que nous interrogeons régulièrement", note-t-il.

Stéphanie Gombert, copropriétaire du Château de la Treyne, un établissement de 16 chambres situé à La Treyne, un village sur la Dordogne, a été confrontée à une "très longue liste d'exigences" pour obtenir le statut d'hôtel 5 étoiles en juin dernier. Si longue qu'elle était presque décourageante, à ses yeux, ajoutant qu'elle trouvait "incroyable" que des hôtels 4 étoiles puissent avoir des chambres d'une superficie inférieure au minimum requis de 16 mètres carrés.

Pour Mark Watkins, "l'augmentation considérable du nombre de critères" et "le grand nombre d'éléments vérifiés" ne signifient pas grand-chose. "Ils ne reflètent pas nécessairement des établissements qui plairont aux clients, et ne sont pas non plus strictement de haute qualité", explique-t-il. Quant aux contrôles du système, "ils sont très discutables dans leur forme et leur processus".

Michel Tschann, propriétaire du Splendid Hotel & Spa de 128 chambres à Nice, est d'accord. "Aujourd'hui, pour obtenir des étoiles, il y a une inspection qui était autrefois effectuée par des agents de l'État, mais qui est maintenant menée par des entreprises privées", observe-t-il.

L'influence en ligne

Michel Tschann suit ainsi Mark Watkins dans ses déclarations. "Les anciennes règles exigeaient qu'un hôtel 4 étoiles ait un restaurant, ce qui n'est plus le cas, de sorte que de nombreux 3 étoiles ont été reclassés en 4 étoiles sans qu'aucune rénovation majeure n'ait été effectuée", anaylse-t-il.

Dans le cadre du nouveau système de classement, "les hôtels haut de gamme sont tombés comme la pluie", complète Mark Watkins. Les données de l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques français montrent que le nombre d'hôtels 4 et 5 étoiles est passé de 898 en 2010 à 3 019 en 2025.

Adrien Gloaguen, PDG de Touriste Hotels, qui possède plusieurs établissements 4 étoiles à Paris, n'est pas "tout à fait d'accord" sur le fait que les nouveaux critères sont plus laxistes. "Ils ont supprimé toute une série de critères qui étaient devenus complètement obsolètes, comme la présence d'un téléphone public à la réception et l'absence de Wi-Fi", précise-t-il, même s'il reconnait que le nouveau système permettait à de nombreux hôtels de continuer à proposer des chambres de petite taille tout en augmentant leur classement.

"Ces nouveaux critères mettent l'accent sur les services, ce qui permet à un hôtel disposant de petites chambres dans des endroits moins pratiques de gagner plus d'étoiles en offrant beaucoup plus de services", ajoute-t-il.

Mark Watkins pense que cela crée une "montée en gamme fictive, parce que le classement par étoiles est devenu inefficace et obsolète". Avec les exigences supplémentaires, de plus en plus d'hôtels snobent les labels et les qualifications, dit-il. Il estime que le système perd de sa crédibilité, les consommateurs se fiant davantage à la réputation en ligne des hôtels.

Pour Mme Gombert, du Château de la Treyne, les étoiles ont toujours leur place. Mais en fin de compte, dit-elle, ce sont les commentaires des clients qui comptent le plus. "Un établissement qui promet tout et qui n'est pas à la hauteur recevra rapidement des commentaires négatifs", dit-elle.