« L’Anthropocène 
est une clé essentielle pour comprendre la façon dont nous construirons la ville »

Business Immo : Quelles sont 
les ambitions de la revue Stream ?
Philippe Chiambaretta  : Mon ambition avec la revue Stream est d’étudier et comprendre les grandes mutations sociétales qui influenceront l’urbanisme, la construction de la ville et l’architecture de demain. Cela peut paraître ambitieux, mais notre monde évolue tellement vite que j’ai la certitude que l’exercice de notre métier perd beaucoup de sa pertinence si nous ne trouvons pas le temps de nous poser ces questions. Autour d’une problématique que nous identifions comme structurante, nous conduisons avec Stream un véritable travail d’enquête et d’analyse qui peut durer deux à trois ans pour chaque volume. Il n’y a pas de contrainte extérieure, c’est un projet totalement indépendant, que nous menons à la vitesse que nous voulons. Nous essayons à présent de suivre une fréquence biennale, calée sur la biennale d’architecture de Venise.
Notre premier numéro portait sur l’émergence de l’économie de l’immatériel et ses conséquences, notamment sur la fabrique de la ville, et en particulier le rôle des artistes et des architectes dans la création de valeur. Le deuxième numéro s’intéressait à l’évolution des usages et des modes de travail, ce qui semblait incongru quand nous avons lancé nos premiers travaux. Depuis, force est de constater que le sujet est au cœur des préoccupations des investisseurs immobiliers comme des utilisateurs. Nous en arrivions à la conclusion que le bureau traditionnel allait évoluer pour rejoindre la forme d’une agence d’architecture, avec ses aspects informels. Nous sommes aujourd’hui en plein dans cette volonté de sortir du bureau « fordiste », avec de profonds bouleversements à venir sur la conception même des immeubles. Un seul exemple : Franck Gehry réalise, à la demande du patron de Facebook, un siège social qui se présente comme une sorte de réplique en dix fois plus grand de l’organisation spatiale de son agence d’architecture : un espace très ouvert, des cellules projet, une reconfiguration permanente. Nous nous sommes efforcés de mettre en pratique cette réflexion dans notre nouvelle agence, où l’on réfléchit à créer des passerelles avec des équipes de recherche, mais aussi avec le monde de l’art. Nous nous sommes organisés pour fabriquer des cellules-projets au sein même de l’agence qui permettent, de manière formelle ou informelle, de croiser les disciplines et favoriser la créativité.