« Nous allons créer une société foncière pour gérer et rendre utile le patrimoine improductif de l'État. » Le Premier ministre François Bayrou a annoncé, lors de la présentation de ses orientations budgétaires pour 2026, la création d'une société foncière de l'immobilier de l'État.
Rien de bien nouveau sous le soleil. On ressort du tiroir une vieille idée imaginée il y a déjà plus de 20 ans. L’urgence, à l’époque, était… de désendetter l’État ! Et l’on comptait sur les externalisations immobilières pour faire rentrer quelques subsides dans les caisses d’un État dispendieux.
Aujourd’hui, il s’agit d’aller un peu plus loin dans la réflexion. Pas tant de vendre quelques bijoux de famille pour éponger une dette devenue incontrôlable que de rationaliser un patrimoine que l’on a mis des années à délimiter. En 2024, l’État a cédé pour 222 M€ d’actifs. On comprend que cela ne va pas suffire à rassurer les créanciers de la France. Aussi, le projet est davantage de gérer en bon père de famille un patrimoine qui appartient à tout un chacun.
Le terrain de jeu est conséquent, peut-être même abyssal. L'État occupe 96,7 millions de m2, dont il est propriétaire à 80 %. Un peu moins du quart de ce parc est composé de bureaux, 21 % de lieux d'enseignement, 19 % de logements. Le reste comprend des actifs plus spécifiques, monuments historiques, camps militaires, prisons, casernes…, dont la liquidité est à imaginer.
Si l’on ne prend que les bureaux, les leviers d’économie sont colossaux. Un fonctionnaire dispose en moyenne de 25,2 m2 pour un poste de travail. La cible, fixée par une circulaire de 2023, est de… 16 m2. Au Canada, elle est de 9 m2 par agent, et au Danemark de 14 m2, rappelle Alain Resplandy-Bernard, directeur de l'immobilier de l'État. On imagine aisément les gains possibles avec une simple logique de rationalisation.
S'ajoutent des « actifs immobiliers dont on peut tirer plus de revenus », estime le patron de la Direction de l’immobilier de l’État (DIE) qui compte sur la sous-location ou encore sur l’exploitation des toitures avec des panneaux photovoltaïques.
Mais c’est peut-être davantage le mur du verdissement qui pourrait inciter les politiques à passer enfin la seconde vitesse. On estime le coût de la décarbonation de ce patrimoine à 140 Mds€ d’ici 2050. Dans le contexte budgétaire actuel, cela semble être mission impossible.
Non seulement il faut une stratégie pour éviter de se prendre le mur. Mais il faut aussi un pilote. Celui de la DIE, aussi compétent soit-il, se heurte aux ministères et opérateurs qui gèrent leur immobilier dans leur coin. La Cour des comptes a déjà souligné que la DIE dispose de peu d’autorité vis-à-vis des occupants pour faire valoir les intérêts de l’État propriétaire.
À la tête d’une foncière de l’immobilier de l’État, qui assume pleinement les responsabilités de propriétaire, il pourrait avoir autorité sur ces ministères et opérateurs. Cela reviendrait à leur faire payer un loyer. Après tout, cela reste le meilleur outil pour éviter le gâchis.
L’autre intérêt serait d’associer le privé. Au niveau de l’investissement, en fléchant intelligemment une partie de l’épargne des Français. Au niveau aussi de la gestion, en s’appuyant sur l’expertise des acteurs immobiliers. Ils n’en manquent pas.