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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

Comment les grandes consultations réinventent le “centre commercial”

Val d'Europe © Alfred Cromback

Les investisseurs se détournent aujourd’hui ostensiblement, comme par principe, de l’immobilier commercial et particulièrement des centres commerciaux. Ont-ils de bonnes raisons de croire à leur fin annoncée ? Il faut reconnaître que la plupart des centres qui performent encore le doivent moins à ce qui définit le modèle (taille, locomotives, espace clos) qu’à leur simple connexion sur des flux.

Pour inverser la tendance, il faudra plus que des déclarations optimistes sur la résilience du modèle.

C’est précisément à quoi s’emploient nombre d’acteurs du marché, notamment dans le cadre d’appels à projet à l’initiative de territoires.

Ayant récemment accompagné les territoires de Val d’Europe (Marne-la-Vallée) et de Ferney-Voltaire (Franco-Genevois) en tant que conseil sur l’intégration d’une programmation commerciale atypique au sein d’un nouveau quartier, nous pouvons témoigner de la qualité de la réflexion, tant de la part des opérateurs immobiliers shortlistés que des organisateurs, tous résolus à sortir des sentiers battus.

Le projet de Ferney-Voltaire se distingue par la place occupée par la culture, avec les partenariats du Centre Georges Pompidou et d’Universcience, dans une configuration spatiale audacieuse. Celui de Val d’Europe renonce à la locomotive alimentaire, réduit la part du textile et substitue à la logique du parcours chaland celle de l’expérience choisie. Le continuum commerce / services / loisirs est poussé au maximum, tant par l’organisation spatiale que par un travail de co-conception fin à réaliser avec les exploitants.

Les grandes consultations permettent de réunir trois des conditions nécessaires à l’innovation de rupture.

La première est l’existence d’un enjeu fort, justifiant une prise de risque. Seul un grand projet justifie de “casser les codes”, c’est-à-dire de renoncer à des recettes éprouvées pour en créer de nouvelles, jugées plus efficientes, mais sans certitude, par définition.

La seconde condition est la compétition. Il est extrêmement difficile d’innover sans être challengé par des concurrents. Surtout dans un environnement où la question du marché ne se pose pas vraiment, et où les centres commerciaux existants restent particulièrement performants (cas de Val d’Europe). La compétition impose aux candidats de se dépasser pour aller chercher un autre modèle.

La troisième est l’exigence. Les consultations fructueuses sont celles dont l’organisateur commence par analyser lui-même les enjeux et les conditions de succès de son projet. Non pour imposer son modèle, mais discuter en interlocuteur éclairé et exigeant avec les candidats, placer la barre le plus haut possible et ne renoncer à aucune exigence.

Ces trois conditions ne suffisent pas à garantir le succès de cette nouvelle destination commerciale. Les visiteurs en seront évidemment seuls juges.

Il reste que de telles démarches sont autant d’étapes importantes dans le renouveau de ce qu’il ne faut sans doute plus appeler “centre commercial”. Il devrait amener les investisseurs à reconsidérer leur vision de l’avenir de l’immobilier commercial.