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Point de vue de Laurent Derote, DVA Executive Search

L'emploi des cadres dans l'industrie immobilière à fin août 2018

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Tout le monde l’a perçu à la fin de ce premier semestre, le ciel s’est couvert. Pour autant, s’agit-il d’une averse, d’un orage ou d’une tempête ?

L’année 2017 a été exceptionnelle, en particulier pour les métiers de l’immobilier, avec un alignement des planètes qui n’avait pas été aussi parfait depuis plus de dix ans. Les arbres ne montant pas jusqu’au ciel, nous avions toutefois le sentiment en fin d’année dernière que 2018 se caractériserait par une stabilisation, déjà perçue au dernier trimestre.

De fait, le freinage de l’activité économique en France a été brutal début 2018, caractéristique d’un « coup de mou », qui s’est poursuivi au cours du second trimestre : avec +0,2 % de croissance du PIB en T1 et T2, l’objectif initial de 2 % pour l’année n’est plus accessible et certains économistes considèrent en cette rentrée qu’il n’est pas impossible que nous descendions à 1,4 %, bien loin du consensus revu de 1,7 %. Les conséquences en seraient notamment une impasse budgétaire aggravée menant à des mesures d’austérité. Rien de bon pour les activités immobilières !

Néanmoins, le paysage est nuancé dans l’industrie immobilière mais il n’est nullement négatif à ce jour. Si la promotion résidentielle accuse une tendance baissière avec un recul de l’activité 2018 par rapport à 2017 estimé à 10 %, l’année reste bonne même si les marges de promotion en ont pris un coup et que les incertitudes demeurent en matière de politique de l’habitat. Le marché de l’investissement, lui, a connu son meilleur semestre depuis 2007 à 11,5 Mds€ soit une croissance de 34 % par rapport au premier semestre 2017. L’activité de transaction en bureaux, corrélée à l’investissement des entreprises et à l’indice de confiance, est au beau fixe au premier semestre sur l’Île-de-France, en forte progression avec 1,3 million de m² commercialisés, soit +15 %.

Par contre, l’immobilier « retail » est à la peine sur les pieds d’immeubles et bon nombre de centres commerciaux. Le e-commerce poursuit sa percée et la barre symbolique des 100 Mds€ pourrait être atteinte l’année prochaine. Paradoxalement, cela n’impacte pas le niveau des mises en chantier, qui est en forte progression avec 3,5 millions de m² en construction à fin juin (+63 %). Ainsi assiste-t-on à un renouvellement du parc, à des restructurations et nouveaux lieux de consommation en adéquation avec les « disruptions » sociétales.

Dans cet environnement global l’équipe de DVA Executive Search a maintenu un niveau d’activité élevé en matière de recrutement et de conseil RH, même s’il est en baisse de 13 % en termes de valeur de missions signées à fin août par rapport à la même période, exceptionnelle, de 2017.  

Promotion privée et aménagement

Le secteur est toujours en tête et représente plus de 40 % du CA signé à fin août 2018. Ces huit premiers mois ont été marqués par une grande diversité dans les missions confiées : majoritairement des managers et dirigeants, depuis la direction d’agence et de région jusqu’à la direction générale de filiale, des directeurs du développement, des directeurs et responsables de programmes, techniques ; en logement, résidences gérées, en immobilier d’entreprise activité et bureaux, en grands projets multiproduit...

Nous avons également été mandatés pour des postes confirmés en commercialisation résidentielle, des postes siège en juridique, digital et marketing, en stratégie et innovation, et ceci sur l’Île-de-France et les régions, lesquelles ont représenté plus de 30 % de notre activité dans la promotion.

Quelles sont les principales qualités recherchées ?

Les qualités humaines et managériales, l’ouverture d’esprit et la capacité à communiquer en transverse et à intégrer les problématiques de l’ensemble des intervenants, une approche globale de l’aménagement et de la ville, la compréhension des nouveaux enjeux liés au digital (démultiplication des canaux de distribution, recherche d’un « mix » optimal en ce domaine, désintermédiation de la commercialisation), l’optimisation des coûts de production dans la fonction technique, passant par l’innovation mais aussi par la négociation serrée avec les entreprises en période de hausse des coûts, ont été les principaux savoir-faire et savoir-être recherchés.

...Et la pénurie de développeurs ?

La profession est toujours en situation de pénurie en matière de développeurs confirmés mais les promoteurs en ont pris acte depuis un an et intègrent désormais plus facilement des profils diversifiés comme jeunes prospecteurs-développeurs en se réorganisant pour les animer. C’est ainsi que l’effectif s’est fortement accru depuis 18 mois dans certaines régions très tendues telles que la métropole bordelaise grâce à l’intégration de jeunes collaborateurs en contrat de professionnalisation ou après une première expérience en agence immobilière, en administration de biens, aménagement, ou encore en vente aux particuliers de toutes natures… C’est moins vrai en Île-de-France ou les opérateurs sont encore enclins à chercher des « cœurs de cible », avec toujours autant de difficultés quand il n’y a pas d’avantage concurrentiel particulier.

Les investisseurs institutionnels

Ils sont en seconde place dans notre activité après les promoteurs et aménageurs, représentant près de 20 % du CA signé à fin août.

Paradoxalement, il s’est souvent agi de postes hors gestion d’actifs et investissement. Ainsi, mis à part trois belles missions de directeur général France chez un fonds d’investissement en logistique, dirigeant d’une société de prestation de services liée à un family office et de directeur investissements et asset management pour une société de gestion spécialiste du private equity, trois missions d’asset managers et d’analyste en tertiaire, nous avons été missionnés pour des postes de développement et de montage d’opération, de direction technique maîtrise d’ouvrage, de communication et marketing, de négociation commerciale.

Cela dénote sans doute le besoin des investisseurs institutionnels de se mettre à niveau en matière de communication et de prestations proposées à leurs utilisateurs, en termes de valorisation technique et commerciale des actifs, enfin, le besoin de s’orienter vers une stratégie d’investissement value added.  

Et le retail ?

Les opérateurs de l’immobilier du commerce et de la distribution, habituellement en seconde position mais détrônés cette année à fin août par les investisseurs institutionnels, représentent un peu plus de 12 % de notre CA signé.

Touché – mais pas coulé – par les évolutions en matière de consommation, les restructurations de groupes de distribution et la montée en puissance du e-commerce, le secteur fait face depuis 18 mois à une reconfiguration générant un ralentissement momentané en matière de recrutement.

Nous avons travaillé pour des prestataires et conseil en commercialisation locative de surfaces commerciales, du commercialisateur pied d’immeuble au directeur commercial et marketing, pour une enseigne de restauration en recherche de chargés d’expansion, pour des foncières spécialisées et un groupe de grande distribution concernant des responsables gestion locative, des directeurs de projet et des directeurs et gestionnaires techniques. Enfin, nous avons recherché un secrétaire général de la filiale immobilière d’une mutuelle, notamment en charge du développement et de l’entretien du réseau d’agences.

Les services et conseils à l’immobilier sont en croissance par rapport à la même période de 2017

Ils représentent 11 % du CA signé. Nous avons recherché pour un leader international du conseil un patron du département investissement résidentiel ainsi qu’un directeur études et recherches, et pour un institut spécialisé, un directeur de la stratégie.

Domaine plus confidentiel, les garanties et cautions octroyées aux professionnels de l’immobilier par une société spécialisée. Cette dernière nous a mandatés pour un directeur clientèle grands comptes et deux experts professions réglementées.

Enfin, n’omettons pas des missions de conseil en matière de digitalisation chez des prestataires et conseils dans l’immobilier institutionnel. 

Logement social : un secteur en profonde mutation

DVA est intervenu pour des missions de directeur de la promotion et du développement au sein d’ESH du groupe Action Logement en région, pour un responsable du développement au sein d’un office public, pour deux recherches concernant un directeur des études économiques et financières et un auditeur – conseil au sein d’une grande organisation professionnelle.

Enfin, nous avons réalisé une mission de conseil pour la même organisation en matière de digitalisation et de systèmes d’information.

L’immobilier utilisateur est en baisse à fin août.

Citons le directeur du patrimoine immobilier d’une association reconnue d’utilité publique, un responsable du portefeuille immobilier d’exploitation d’une compagnie d’assurances spécialisée et des chefs de projets pour un leader des services au secteur du BTP.

En matière de digital, en sus des multiples missions de conseil et de recrutement réalisées pour les promoteurs, le logement social, des prestataires et conseil de l’immobilier, nous sommes intervenus pour la recherche d’un directeur commercial, d’un ingénieur commercial ainsi que d’un directeur marketing, mandatés par une société spécialisée dans le conseil en système et logiciels, soit au total une dizaine de missions. 

Fonctions recherchées :  les grandes tendances

Les postes de programmes et de développement immobiliers dominent toujours, même s’ils sont en baisse, en rapport avec la diminution globale de l’activité.

La fonction commercialisation et marketing est en forte hausse cette année dans tous les métiers de l’immobilier, ainsi que la fonction direction générale et de centre de profit.

Il en est de même pour les fonctions siège : études financières, contrôle de gestion, fonctions juridiques, secrétariat général, animation de réseau, stratégie et innovation. Quant à l’activité liée à la digitalisation de l’immobilier, elle s’est incontestablement développée depuis l’année dernière.

Les missions de conseil sont aussi en hausse, qu’il s’agisse d’évaluation, d’identification et de « cartographie » de professionnels, de coaching ou d’assistance et de conseil à la digitalisation, de benchmark rémunérations...

Et les perspectives d’ici la fin de l’année ?

Nous avons observé une accélération de la demande en juin et juillet après un fort ralentissement en mai, aboutissant à un rattrapage partiel à fin août par rapport à l’activité 2017. Ainsi avons-nous rentré 23 missions sur ces deux mois, et reconstitué l’encours de propositions et contacts. Ces derniers concernent la promotion immobilière (direction technique, responsable marketing, conseillers commerciaux confirmés, responsables et directeurs de programmes, directeur régional, directeur de la maîtrise d’ouvrage dans le secteur des Ehpad, directeur pôle public, managers Île-de-France et régions, développeurs, directeur des ventes d’un grand resort en Outre-mer…) la gestion d’actifs France et international (directeur de la gestion d’actifs pour compte de tiers, chargé de mission gestion d’actifs internationaux, analystes et différents assetmanagers…), l’immobilier du commerce (chef de projet en foncière, directeur technique pour une enseigne de la restauration, postes de commercialisation).

Notre encours réel à fin août a désormais rejoint celui de l’année dernière à la même époque, ainsi que l’encours de propositions en négociation et de contacts, laissant augurer une fin d’année finalement favorable... Sous réserve toutefois qu’il n’y ait pas d’incident économique et/ou politique majeur d’ici la fin de l’année.

Or, nous l’avons vu, les indices de volatilité sont extrêmement élevés, conséquences des incertitudes qui se multiplient : risques monétaires et financiers, dans un contexte de haut de cycle, liés à l’ampleur de l’endettement et aux niveaux atteints par les marchés boursiers, à la politique budgétaire expansive menée aux États-Unis.

À ces risques financiers s’ajoutent des aléas politiques et des tensions persistantes : incertitudes politiques en Europe – Italie, Espagne, Royaume-Uni –, risques protectionnistes pesant sur la vigueur des échanges internationaux entre les États-Unis, la Chine et l’Europe, risques d’accroissement des tensions au Moyen-Orient avec ses conséquences sur le cours du pétrole et donc sur l’inflation générée.

Enfin, les tensions sur l’offre pourraient contraindre la production en Allemagne, entravant la croissance du pays et pesant sur l’Europe. Quant à l’amélioration du pouvoir d’achat escomptée en France en fin d’année, elle pourrait se faire attendre dans le contexte de restriction budgétaire qui s’annonce en cette rentrée.

Quatre mois à haut risque, donc !  Bilan au 31 décembre...