Business Immo, le site de l'industrie immobilière
Point de vue de Thierry Laroue-Pont, BNP Paribas Real Estate, et Philippe Pelletier, RICS France

Les professionnels de l’immobilier, des partenaires qui s’engagent dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

© Fotolia / Kzenon

Les actifs immobiliers, par le dynamisme du secteur sur lequel ils sont positionnés et par les montants générés par leurs transactions, doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière quant aux risques potentiels d’être impliqués dans un processus de blanchiment d’argent.

Dans ce contexte, les professionnels de l’immobilier ont un rôle capital à jouer. Concernés par les récentes dispositions notamment liées à Sapin 2, GDPR ou MIFID 2, ils ont dû faire preuve d’agilité et revoir leur organisation pour se conformer à un cadre nouveau. Dans le même temps, la 4e directive a également beaucoup impacté le secteur, notamment au regard du caractère hétérogène de ses modalités d’application à l’échelle européenne.

Les professionnels de l’immobilier sont assujettis au dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LAB/FT) depuis 1998. Mais ce n’est qu’ en 2009, lors de la transposition en France de la 3e directive, que ces derniers ont été directement impactés avec la mise en place de contrôles par leur autorités de tutelle.

Ces contrôles dédiés aux professionnels de l’immobilier ont permis de sensibiliser et de mobiliser la profession : bien qu’encore faible, le nombre des déclarations de soupçons faites à l’organisme du ministère de l'Économie et des Finances, Tracfin, augmente (89 en 2016, 35 en 2015).Toutefois, ce volume est insuffisant par rapport au total des déclarations réalisées par tous les professionnels assujettis. Ainsi, la Commission nationale des sanctions, dans son rapport remis en mai 2018, constate une prise de conscience à parfaire de certains professionnels de l’immobilier et propose des pistes de progrès.

Les enjeux et impacts de la 4e directive

La mise en œuvre de la réglementation est toutefois rendue complexe par l’hétérogénéité de l’application des textes actuels au plan européen : tous les pays n’ont pas encore transposé en droit national cette 4e directive (Irlande…) et les activités immobilières ne sont pas uniformément assujetties dans tous les pays. Ainsi, en France, la location est assujettie alors qu’elle ne l’est pas en République tchèque ou en  Allemagne… ; à l’inverse, le property management entre dans le champ d’application de la réglementation locale en Belgique, mais pas en France…

La transposition en droit français de la 4e directive nécessite de clarifier les activités nouvellement assujetties. S’agissant de l’activité de syndic de copropriété, assujettie depuis la loi Alur de 2014, il est difficile de comprendre comment un professionnel en charge de gérer l’entretien des parties communes d’un immeuble dont la propriété est partagée peut identifier une quelconque activité illicite. Si répondre à des questions simples (Qui est mon client? Quel est son métier ? Comment fonctionne le montage financier de son acquisition ? Dispose-t-il d’un apport ? Quelle est l’origine des fonds ?) est compréhensible dans le cadre d’une transaction immobilière, il est plus compliqué d’en percevoir le sens dans le cadre de l’activité de syndic. La Belgique a d’ailleurs récemment exclu cette activité du champ d’application des textes.

La difficulté temporelle liée à la notion d’entrée en relation rend le processus compliqué en termes de collecte d’information, alors même qu’une partie seulement des mandats débouchera sur une opération et donc un flux financier à destination de l’agent.

Une mobilisation des acteurs

Face à ces évolutions, parfois difficiles à appréhender tant l’activité immobilière est protéiforme et souvent éloignée des activités financières pour lesquels les textes ont été conçus, les initiatives des professionnels de l’immobilier méritent d’être relevées.

Les obligations des professionnels de l’immobilier en matière de lutte contre le blanchiment d’argent sont peu connues du public. Le professionnel de l’immobilier est ainsi souvent considéré comme illégitime dans sa demande d’informations et de documents nécessaires à la réalisation des diligences KYC.

La consultation internationale lancée par la RICS en mai 2018 propose à ses affiliés (10 000 entreprises et 125 000 professionnels qualifiés) des standards professionnels et la publication d’un nouveau code de conduite spécifique ayant trait à la lutte contre la corruption, le blanchiment et le financement du terrorisme. Et la RICS en France vient de parrainer un petit ouvrage de sensibilisation au sujet (l’immobilier face au blanchiment et au financement du terrorisme, par Maurice Feferman et Yehudi Pelosi, préface de Bruno Dalles, directeur de Tracfin, éditions PC, 2017).  

La déclinaison des obligations au plan opérationnel passe également par un fort accompagnement (procédure, formation, contrôle…) des équipes en interne, justifiant l’accompagnement d’experts qualifiés : les compliances officers.

En effet, la fonction compliance se renforce chez les grands acteurs de l’immobilier, rattrapant l’évolution globale du marché. La crise financière de 2008 et les réglementations successives ont conduit l’ensemble du secteur financier mais également l’industrie immobilière à renforcer leur dispositif de contrôle interne. La fonction compliance a donc été amenée à croître de façon significative. 

La qualité du dispositif passe à la fois par un effort de pédagogie à l’égard des acteurs immobiliers et par une forte harmonisation des pratiques entre confrères (qui reste encore à renforcer dans une logique européenne). Elle doit aussi passer par une clarification des attentes du législateur sur certaines situations bien circonscrites.

De plus en plus, dans le cadre d’appels d’offre, la mise en place d’un dispositif de qualité en matière de LAB-FT au sein des structures s’impose comme l’un des critères contribuant au choix. Cela répond également à une logique de développement de relations pérennes fondées sur le professionnalisme, et les plus hauts standards de qualité et de service. Ce critère de sélection témoigne ainsi du partage des valeurs d’exemplarité et d’intégrité.

La compliance améliore ainsi la transparence des pratiques. Elle est par ailleurs clé car au-delà du risque réglementaire, et contribue à protéger du risque de réputation. La connaissance client permet d’offrir un cadre qui protège l’entreprise, ses clients et ses collaborateurs contre les risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme.

Business Immo