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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

La concertation peut-elle servir encore à quelque chose ?

Si elle est un passage obligé des grands projets, réduire la concertation à un moment de démocratie locale serait risqué et sans doute peu constructif. Sans nier l’importance du dialogue, des stratégies plus fines sont nécessaires pour sécuriser les projets.

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La concertation a d’abord été conçue comme une étape réglementaire de consultation dans la mise en œuvre des projets publics. Au fil du temps, elle est devenue une démarche hybride, omniprésente et floue, de plus en plus difficile à distinguer de la communication générale qui accompagne les projets. Implicitement, elle tend à subordonner leur légitimité à une forme de consensus démocratique.

Soyons clair : il ne nous appartient pas de juger du bien-fondé de la concertation en tant qu’instrument de démocratie ou en tant que moment de la vie politique locale. L’une et l’autre ont leurs exigences que nous ne contestons pas.

Pour autant, il est permis de s’interroger sur l’apport de la concertation à la qualité des projets.

Envisagée comme un « moment démocratique » de la vie du projet, la concertation tente de faire dialoguer des personnes libres d’adopter, qui le point de vue du citoyen, qui celui du consommateur, de l’électeur, du commerçant, de l’expert, du militant associatif, du propriétaire foncier, de l’élu local, de l’agriculteur, etc.

Dans ces conditions, il est difficile de faire la synthèse, et on peut même se demander si cela a le moindre sens.

D’autant qu’une synthèse, consensuelle ou non, est de nature à faire évoluer le programme, l’architecture, mais aussi la rentabilité et le calendrier de l’opération, donc de mettre en cause sa réalisation même aux yeux des porteurs du projet.

Ce risque nous conduit à formuler trois observations.

1. En premier lieu, il est crucial de disposer d’une véritable stratégie de développement commercial, qui fait l’objet d’un consensus politique à l’échelle de l’agglomération. Appuyée sur des études approfondies, concertée avec le public et les acteurs économiques, débattue et adoptée par des élus dont c’est le mandat, c’est elle qui justifie les projets successifs qui viendront la concrétiser.

À défaut d’une telle stratégie préalable, si le projet dévoilé par le maître d’ouvrage semble « tombé du ciel », il y a de très grandes chances que la concertation le concernant se focalise sur son opportunité et s’embourbe dans un débat qui ouvre la porte à toutes les remises en cause.  

2. En second lieu, il faut veiller à ne pas confondre concertation, communication et négociation, qui demandent des outils et des calendriers différents. Il est essentiel, en particulier, de ne pas compromettre les négociations foncières ou celles qui concernent les évictions ou les transferts de commerçants, dans le cadre d’une restructuration, en communiquant trop tôt ou de façon maladroite. C’est la faisabilité même du projet qui est ici en jeu.

3. Enfin, des démarches participatives ciblées peuvent être particulièrement constructives et utiles, telle la co-construction. Il s’agit d’une démarche structurée, tendue vers un objectif relativement précis, par laquelle la collectivité et le maître d’ouvrage associent les futurs utilisateurs à la conception du projet.

Suivant les besoins, il s’agira de clients, de commerçants ou de porteurs de projet, sollicités non en tant que citoyens ayant une opinion à exprimer, mais en tant que personnes pouvant faire valoir une maîtrise d’usage reconnue, par exemple sur le design, la programmation, les services.

Ce n’est pas un hasard si la co-construction a le vent en poupe : elle est constructive par définition, les règles du jeu sont claires et tous les participants peuvent y trouver un intérêt.