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Point de vue de Béatrice Guedj, Swiss Life REIM

Performances MSCI 2018, au-delà des chiffres « spot »

En 2018, le benchmark MSCI[1] ressort à 6,6 % inférieur à sa moyenne sur cinq ans (7,6 %) et sur long terme (9,1 % sur 20 ans)[2]. Sur les cinq dernières années, l’immobilier a offert un meilleur rendement (7,5 %) comparé à l’immobilier coté (1,3 %), aux actions (6,1 %) ou aux obligations (4,3 %). Sur dix ans, la performance globale, absolue, de l’immobilier direct (6,6 %) est inférieure à celles de l’immobilier coté (9,8 %) ou des actions (8,7 %). Néanmoins, sans surprise, le ratio de Sharpe de l’immobilier direct reste supérieur à 1 en liaison avec une volatilité des performances très inférieure à celles des autres classes d’actifs[3]. L’essentiel de la performance en 2018 à 6,6 % s’explique par des rendements locatifs à 4,2 % contre 2,4 % pour les rendements en capital. L’érosion notable des rendements en capital par rapport à 2017 témoigne probablement des anticipations des investisseurs. L’ère est à la prudence depuis le pic ressenti de 2017 : le temps où les rendements en capital étaient supérieurs aux rendements locatifs comme les années avant crise est bel et bien révolu.

Une hiérarchie bouleversée

En termes de hiérarchie par grand secteur, la logistique et les secteurs alternatifs enregistrent des performances supérieures au rendement moyen de 6,6 % tandis que les secteurs plus traditionnels, bureaux et commerces sont en bas de classement.

Le secteur logistique et industriel enregistre un rendement de 14 % au total sur 2018 bien supérieur à sa moyenne de long terme (9,8 %). Les forts rendements locatifs (5,8 %) sont portés tant par l’industrie que par les nouveaux modes de consommation B to B ou B to C ; les rendements en capital (7,8 %) sont initiés par l’appétit des investisseurs pour la classe d’actifs et ses sous-marchés et différents produits. Toutefois, cette performance absolue ne doit pas occulter certains risques : la supériorité des rendements en capital sur les rendements locatifs appelle en effet à la prudence, notamment pour les investisseurs institutionnels avec une forte préférence pour la stabilité des revenus. Le secteur logistique est un des plus volatils, et fortement corrélé à l’activité économique, notamment l’industrie : pour rappel, la perte totale des rendements en capital de 2009 à 2013 avait été de plus de 28 %. Aussi, les investisseurs doivent « pricer » le risque du ralentissement à venir sans oublier d’intégrer la prime d’obsolescence, qui peut être élevée selon le type de produit.

Les secteurs traditionnellement qualifiés d’alternatifs, mais désormais plus classiques dans les portefeuilles d’institutionnels, observent des performances élevées, au-delà de la performance moyenne française : 11,7 % en hôtellerie, 8,5 % en santé et 7,7 % en résidences seniors. L’essentiel de la performance pour ces actifs, dont le moteur est essentiellement démographique, est engendré par les rendements locatifs contrairement au secteur industriel par exemple. Après l’effet rattrapage du secteur de la santé, en termes d’écrasement des taux en 2016 et une performance totale de 11,6 %, c’est à présent l’hôtellerie qui devient plus « classique ». Nos nombreux travaux quantitatifs démontrent l’intérêt du secteur de l’hôtellerie pour minimiser le risque, au sens de la théorie de portefeuille.

Résidentiel : La Révolution silencieuse

En résidentiel, autre secteur à variable démographie comme moteur de la demande, le rendement total se situe à 5,7 % en 2018, mais inférieur à sa moyenne de long terme. Comme par le passé, l’essentiel de la performance est tiré par les rendements en capital bien supérieur aux rendements locatifs, une caractéristique du marché français – fortement régulé en termes de loyers. Les rendements français sont inférieurs aux autres grands marchés tels les États-Unis (6,7 %), la Grande-Bretagne (9,4 %), ou l’Allemagne (9,1 %). Dans ces pays, et depuis quelques années déjà, les Real Estate Investment Trusts « pure players » en logements, ont enregistré des performances globales bien supérieures aux foncières commerces, bureaux ou diversifiées : en 2018, ces performances ont été bien supérieures aux indices actions, S&P 500, FTSE ou DAX. Cette surperformance entre ces différentes géographies sous-tend des changements structurels majeurs : les ménages préfèrent louer à proximité des bassins d’emplois dynamiques plutôt qu’être propriétaires dans des zones d’emplois en perte d’élan. La propriété « verrouille » les ménages alors que les mutations de l’économie doivent les rendre plus mobiles pour gagner en compétences (hausse de la productivité et du savoir-faire). Il est vraisemblable que l’investissement et le développement en direct soient à l’agenda des grands institutionnels pour des raisons de diversification, mais également car l’exposition au résidentiel offre des opportunités en matière d’investissement socialement responsable.

Bureaux : Paris force d’agglomération

Résultats décevants, mais sans grandes surprises des bureaux (6,4 %) et commerces (3,5 %). Ces deux secteurs ont des sous-segments géographiques et sectoriels très hétérogènes et des profils de rendements différents et divergents depuis la reprise. C’est inexorablement Paris qui délivre une fois de plus le rendement le plus élevé : 8,1 % pour le QCA et 7,3 % en moyenne pour les autres périmètres géographiques. Les secteurs sous-performants, comparativement à la performance moyenne, sont ceux de La Défense, avec 4,1 % et le reste de l’Île-de-France avec 4,7 %.

Sur longue période, Paris reste le marché le plus attractif pour les investisseurs, notamment en termes de rendements en capital avec un rendement moyen de 3,2 % pour le QCA et 1,6 % pour le reste de Paris.

Tout cela a déjà été bien décrit : c’est un phénomène de métropolisation renforcé par la crise financière globale et la reprise de 2012 qui a accentué le différentiel de trajectoires entre Paris et les autres sous-marchés. La demande locative continue de se renforcer dans Paris, ainsi que l’appétit des investisseurs qui parient sur une croissance locative de marché soutenue à moyen terme par une forte productivité globale des facteurs.

L’exposition de Paris à des secteurs économiques diversifiés et à haute valeur ajoutée technologique, notamment en matière d’innovation, explique la vigoureuse demande des locataires pour bénéficier d’un véritable écosystème, en plus des traditionnelles infrastructures urbaines génératrices de fortes externalités positives. À titre de rappel, Paris concentre 17 % du PIB national.

La valeur locative de marché enregistrée par les actifs au sein du benchmark est de 3,4 % sur Paris en 2018 versus 1,5 % ailleurs, et le taux de vacances est de 3,8 % contre 7,9 % tous secteurs confondus.

En comparaison des autres performances dans le secteur des bureaux sur d’autres marchés dans le monde, les rendements de la France pourraient paraître décevants : ce n’est pas le cas, le marché de bureaux n’inspire pas de craintes dès lors que les rendements locatifs sont supérieurs aux rendements en capital. En revanche, dans certains pays où sont observées des performances à deux chiffres, comme les Pays-Bas (15,3 %), l’Australie (13,7 %) la Suisse (12,9 %), l’Allemagne (10,6 %) et l’Espagne (10,4 %), les rendements en capital ont été supérieurs aux rendements locatifs, ce qui rend ces marchés plus vulnérables en cas de ralentissement ou de choc exogènes.

Commerces : disparités persistantes

Sur le segment des commerces, seuls les pieds d’immeubles sur Paris enregistrent une performance supérieure au benchmark, à 7,4 % : tous les formats de centres commerciaux sont à la peine (rendements entre 0,4 % et 3,5 %) derrière les « retail warehouses » ou « retail parks » (entre 5 % et 5,8 %). Ces résultats sont en ligne avec le diagnostic d’une concentration de la richesse sur les grandes métropoles et d’un changement structurel de la consommation en France depuis 2012. La disparité des rendements autour de la moyenne témoigne d’une disparité aiguë des performances par sous-marchés et par segment.

Le segment parisien « high street » fait mieux que ses pairs, Berlin, Milan, Oslo, Zurich ou Dublin, mais il reste loin derrière Amsterdam, Lisbonne, Munich, Stockholm ou Vienne (16 %). Dans ces « surperformeurs », à part Lisbonne, les rendements sont essentiellement tirés par la partie du capital, en liaison avec la nouvelle pression sur les taux. La forte croissance touristique dans certaines capitales depuis 2013 explique l’appétit pour le « high street » dans certaines localisations clés, comme à Vienne.

À part le segment « high street » dans les villes phares, le commerce fait moins bien sûr près de 90 % de l’échantillon des 17 pays analysés par MSCI. Parallèlement, le secteur industriel surperforme l’immobilier en général sur 90 % de l’échantillon, sauf au Portugal et en Suisse. Seuls l’Autriche et le Portugal font mieux que les autres classes d’actifs en liaison avec un commerce de niche sur le segment du « high street ». En revanche, les rendements sont négatifs au Royaume-Uni, effet mécanique de la baisse des valeurs, plus particulièrement sur le segment des centres commerciaux (35 % du benchmark au Royaume-Uni). Parallèlement, les rendements sur le segment industriel (plus de 21 % du benchmark) enregistrent une performance à plus de 16 %. L’effet de substitution du secteur industriel sur le commerce est évident, mais faut-il rappeler que la consommation sur internet est beaucoup plus volatile que la consommation physique !


[1] Le benchmark est réalisé sur un échantillon de près de 6 500 actifs, pour une valeur totale proche de 166 Mds€, soit près de 50 % du marché.

[2] Présentation des résultats annuels, le vendredi 12 avril 2018.

[3] Avec un ratio de Sharpe bien inférieur.

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