Business Immo, le site de l'industrie immobilière
Jean Leonetti, président de Sophia Antipolis, président du Syndicat mixte Sophia Antipolis (Symisa), maire d’Antibes Juan-Les-Pins

« Pour ses 50 ans, Sophia Antipolis change résolument d’échelle »

Aux commandes d’un morceau de territoire qui va fêter ses 50 printemps, Jean Leonetti ne cache pas son ambition ni sa conviction pour Sophia Antipolis. Siège de l’intelligence artificielle (IA), résidence des grands chercheurs de son époque, terre de projets économiques majeurs pour la Riviera et pour la France, la technopole a tous les atouts pour entrer de plain-pied dans une nouvelle ère. Vision…

© Communication Casa

Business Immo : Quel premier bilan tirez-vous de ces 50 ans d’histoire ? 

Jean Leonetti  : Construire, à la fin des années 1960, un centre d’innovation et de haute technologie en pleine nature, dans une région alors plus associée au tourisme qu’au développement industriel, aurait pu légitimement passer pour une utopie. Il n’en fut rien. Avec un chiffre d’affaires qui équivaut aujourd’hui à celui du tourisme sur la Côte d’Azur, Sophia Antipolis a incontestablement réussi son pari initial. 

Le moteur de cette réussite se retrouve dans le principe de la fertilisation croisée toujours d’actualité entre la recherche, l’académique et l’entreprise, corrélée à l’émergence des start-up. La preuve de cette réussite s’incarne dans trois exemples : Intel, Texas et plus récemment Galderma. À trois reprises, ces entreprises qui ont quitté Sophia Antipolis pour des raisons structurelles et non économiques ont vu leurs sites mais aussi leurs effectifs repris, confirmant la résilience et le dynamisme de la technopole qui compte aujourd’hui 38 000 emplois et continue de créer un millier d’emplois net par an.

BI : Sophia Antipolis reste une exception en France du point de vue de l’aménagement. Comment vous inscrivez-vous en 2019 par rapport à ses principes fondateurs : dans la continuité ou dans la rupture ? 

JL : Défini dans une charte dès 1977, l’aménagement de Sophia Antipolis reposait sur quelques règles clés encore en vigueur aujourd’hui : un équilibre entre deux tiers de végétal et un tiers de minéral, un immobilier « discret » abrité sous les pins et la garrigue, un urbanisme limitant la hauteur des bâtiments à la ligne de crête des collines. 

En 2019, il est temps d’infléchir à la marge cette politique d’aménagement. Désormais, nous n’avons plus envie de nous cacher. Il faut nous défaire de l’idée de l’immobilier honteux pour épouser la théorie de l’immobilier pensé en harmonie avec son environnement naturel. Nous avons en effet la conviction que Sophia Antipolis est résolument inscrit dans le développement durable avec, à l’avenir, ses bâtiments plus denses, son réseau de transports doux et ses parkings en sous-sol, dans un ensemble végétalisé à hauteur de 90 %, soit bien plus que la charte initiale. 

BI : Quelle est votre feuille de route pour les cinq prochaines années ? 

JL : La feuille de route de la Casa pour le développement de notre territoire est structurée autour de trois volets majeurs : la dynamique immobilière pour les entreprises, l’accessibilité multimodale et l’offre de logements que nous voulons plurielle. 

Dans les trois prochaines années, Sophia Antipolis sera la terre d’accueil de grands projets de bureaux, de commerces et d’hôtels portés par des acteurs locaux, mais aussi par des opérateurs nationaux qui croient comme nous dans le territoire sophipolitain. L’accessibilité du site sera par ailleurs renforcée avec la mise en service à horizon fin 2019 d’une ligne bus-tram gare d’Antibes/Sophia Antipolis, représentant une sérieuse alternative au tout-voiture. Une offre de logements diversifiée – du logement pour étudiant à la maison individuelle en passant par le logement pour actifs – représente enfin le 3e volet de la stratégie de développement de Sophia Antipolis. Parce que l’avenir d’un territoire ne saurait être monofonctionnel, il faut penser la dynamique immobilière à l’aune de la mixité des usages et des services afin que Sophia Antipolis devienne un lieu, une expérience où l’on habite, travaille et trouve les moyens de se divertir, de se cultiver et de faire du sport. 

BI : 50 ans, c’est un certain âge d’un point de vue immobilier. Comment Sophia Antipolis parvient-elle à se régénérer ? 

JL : Sous l’impulsion des filières fortes telles que l’IA ou les biotechnologies, qui sont autant de moteurs de la puissance économique de Sophia Antipolis, le site conserve une force d’attraction intacte pour les entreprises, les chercheurs et les start-up inscrites dans une dynamique d’innovation. La croissance immobilière de Sophia Antipolis s’est historiquement construite à raison de 20 000 m2 de bureaux développés par an. Depuis cinq ans, le niveau des transactions est en croissance régulière et atteint en 2018 près de 45 000 m2. Cette dynamique est le résultat d’une double tendance : celle du marché du neuf très attractif et celle de la réhabilitation des premiers bâtiments qui ont été contruits sur la technopole, les deux étant portées par des promoteurs-investisseurs qui savent prendre des risques car ils connaissent bien la dynamique économique de Sophia Antipolis. Il est donc tout à fait raisonnable de considérer que 2019 ouvre pour Sophia Antipolis une nouvelle ère dans son développement immobilier.

BI : Quelles ont été les étapes clés de la montée en puissance de Sophia Antipolis ? 

JL : Il y a 15 ans, le projet d’OIN (Opération d’intérêt national) de la Métropole Nice Côte d’Azur était présenté comme l’alternative à Sophia Antipolis en stagnation, voire en déclin. Ce ne fut bien évidemment pas le cas, les deux territoires étant inscrits dans des dynamiques très complémentaires. Plusieurs éléments déclenchants ont cependant relancé la technopole. En 2011, la décision conjointe du Conseil départemental et de la Casa de financer l’implantation de l'université Côte d’Azur (UCA) sur Sophia Antipolis (campus SophiaTech) a permis de relancer la vocation académique de la technopole. Dans la foulée, la création du Business Pôle, une pépinière de start-up autour des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, s’est révélée rapidement un succès incontestable. Initialement de 4 000 m2, il est actuellement prévu de tripler les surfaces dédiées à l’accompagnement des entreprises et start-up de Sophia Antipolis. Le label French Tech, et en particulier la classification Idex, ont confirmé la dimension innovation et académique du territoire. Une clarification du pilotage politique avec une gouvernance unique et du projet économique avec la naissance du Sophia Club Entreprises impriment une nouvelle direction.

BI : Sophia Antipolis représente-elle une marque, voire un marqueur à l’international ? 

JL : On a coutume de présenter Sophia Antipolis comme une Silicon Valley à la française. C’est une erreur. Ouvert sur le monde et sur les autres, ce territoire a vocation à incarner dans son unité de lieu un morceau de ville avec tous ses ingrédients : des activités économiques, des logements mais aussi des services, de la culture et du sport. Nous sommes très fiers d’avoir porté sur le territoire deux initiatives qui sont autant de succès : la Fête de la science mais aussi, à moindre échelle, les Journées du livre et de la jeunesse. Retenu comme l’un des quatre sites de France prioritaires pour le développement de l’intelligence artificielle dans le cadre de l’appel à projets 3IA, Sophia Antipolis s’apprête à tourner aujourd’hui une nouvelle page de son histoire. Ce moteur de l’IA, qui implique une concentration de chercheurs dans le numérique supérieur aux autres territoires, va nous permettre de changer de vision mais aussi d’échelle, qui nous rendra plus visible encore à l’international. 

BI : Comment projetez-vous Sophia Antipolis dans 50 ans ? 

JL : En 50 ans, Sophia Antipolis a incontestablement gagné ses galons politiques et économiques. Dans 50 ans, nous aurons probablement la possibilité de communiquer encore plus facilement sans nous déplacer. L’avenir de Sophia Antipolis est inscrit sous le sceau de deux nouveaux marqueurs intéressants : l’IA et la culture/développement durable. « Sophia » en grec, c’est la sagesse. Et la sagesse, c’est le développement durable. L’IA au service du développement durable est une belle ambition qui permet de réconcilier les vocations de ce territoire en plein renouvellement. Un nouvel humanisme en quelque sorte, qui nous oblige à reposer les problèmes en termes d’éthique. 

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