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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

Ne jetons pas le commerce avec l’eau du bain de la finance

© Prostock-studio / Adobe Stock

Les difficultés récentes rencontrées par des groupes de distribution majeurs interrogent les montages financiers qui supportent leur développement plus qu’elles ne mettent en cause l’activité commerciale. Pour preuve, le succès manifeste de certaines enseignes, dans les mêmes domaines d’activités. 

À voir Casino puis aujourd’hui Rallye, Auchan, Camaïeu, Vivarte il y a quelques années, en proie à de sérieuses difficultés financières, sans parler de Carrefour, de Macy’s aux États-Unis et de nombre d’enseignes britanniques, on peut être tenté de crier à l’effondrement généralisé du commerce.

Pourtant, dans le même temps, des enseignes pas précisément nouvelles se montrent particulièrement résilientes (Yves Rocher, Fnac Darty) et font un come back remarqué (Galeries Lafayette, Match), d’autres tireat leur épingle du jeu sans esbroufe technologique particulière ou cartonnant grâce à d’ambitieux investissements (Lidl). Jusqu’à l’américain Wallmart, symbole s’il en est de la grande distribution utilitaire, dont les ventes connaissent un regain significatif de croissance.

Que se passe-t-il, pourquoi de tels contrastes au sein de la distribution, y compris au sein d’un même marché de consommation ? 

Il se passe que l’application de certaines recettes financières de valorisation des entreprises commerciales est venue accentuer leur fragilité au moment où la consommation marque le pas et où les résultats d’exploitation ne suffisent plus à rembourser la dette ou à rémunérer les actionnaires. Au moment, aussi, où elles ont besoin de capital pour faire face à des mutations importantes, tant pour digitaliser leur activité que pour faire évoluer des concepts obsolescents. 

Dans ces conditions, un endettement excessif, à coté duquel la question des charges locatives peut vite devenir marginale, peut conduire à un point de rupture. 

Dans d’autres cas, une gestion trop comptable de l’activité aura fait perdre de vue la priorité qui doit pourtant rester celle de tout commerçant : servir le client le mieux possible. Il y a alors, en quelque sorte, un risque de détournement de l’objet social de l’entreprise. Des stocks gérés au plus serré, par exemple, améliorent la marge, mais les conséquences à moyen terme peuvent être désastreuses : quand le produit n’est pas en rayon, le client va voir ailleurs, et ne revient pas toujours.

Aussi faut-il se garder de conclusions hâtives 

Certes, il est probable que la dure loi de la finance continuera de faire des victimes, avec des coups de théâtre possiblement majeurs, pour des enseignes passant sous le contrôle d’un propriétaire ne partageant pas nécessairement leurs valeurs (il se murmure que les déboires de Rallye pourraient amener certains à se positionner sur le rachat des plus beaux actifs de ce groupe). 

Pour autant, il faut se garder des généralisations et bien distinguer les situations. Si les difficultés médiatisées des uns sanctionnent une gestion financière risquée, à courte vue ou simplement malchanceuse, les succès des autres viennent au contraire récompenser des efforts d’adaptation à la demande du consommateur. Ces deux facteurs ne sont pas nécessairement liés. 

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