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Chiara Condi, Led By HER & Cristiano Stampa, Invesco

[VIDEO] « Pour briser les stéréotypes concernant la femme en entreprise, les modèles du leadership féminin sont essentiels »

Entre enjeux de performance, excellence du capital humain et nécessaire mutation du capitalisme moderne, il semble désormais difficile pour le leadership contemporain d’échapper à la question de la diversité. En effet, le leadership inclusif participe à la vision rénovée de l’entreprise. Le think tank « Gend’her », lancé par KPMG, Reed Midem, Business Immo, et soutenu par Clara Gaymard, cofondatrice de Raise France, et Bernard Michel, président de Viparis et de Real Estech Europe, se propose d’en parler dans une série d’entretiens croisés. Rencontre avec Chiara Condi, fondatrice de l'association Led By HER, et Cristiano Stampa, Managing Director chez Invesco.

Chiara Condi, Led By HER & Cristiano Stampa, Invesco © D.R.

Camille Fumard : 6,3 % des postes de PDG dans les grandes sociétés européennes cotées en Bourse sont occupés par des femmes… Comment les femmes peuvent-elles briser le plafond de verre ?

Chiara Condi : Avant tout, les chiffres sont contre elles, car le sexisme et les stéréotypes sont toujours présents, notamment dans les secteurs où elles sont minoritaires. Selon moi, il faut généraliser les démarches volontaristes visant à les promouvoir et instaurer en parallèle des programmes « d’empowerment » (sans pour autant tomber dans une logique de « Boys’ Club au féminin »). Il s’agit, ensuite, d’avoir des réflexes de sélection liés aux compétences, et uniquement aux compétences. Pour briser les stéréotypes concernant la femme en entreprise et créer un environnement inclusif, les modèles du leadership féminin sont essentiels.

Cristiano Stampa : Aujourd’hui, il faut travailler sur deux aspects, l’aspect managérial et les qualités rattachées à la notion de leadership. Pour le premier, nous devons faire intégrer au plus haut niveau hiérarchique que, dans un système libéral piloté par le capital, la diversité est source de valeur pour l’entreprise (croissance / performance). En effet, je ne crois pas à l’approche sociale, idéologique et théorique. Je reste pragmatique : si les sociétés performent mieux avec des dirigeantes femmes, alors le leadership féminin se naturalisera. La tendance des études de ces dernières années va d’ailleurs dans ce sens (Rapport de la Leeds University Business School (UK), étude Morningstar « Fund Managers by Gender – Through the Performance Lens  » ou encore de BCG avec l’étude « Why Women-Owned Startups Are a Better Bet »).

En ce qui concerne le « management de la diversité », ce deuxième aspect renvoie aux programmes de « cross-mentoring » ou de « coaching » visant au développement humain, à la sensibilisation des décideurs aux enjeux de la mixité et au gain de confiance. À cet égard, les sociétés cotées doivent désormais comprendre qu’aider les talents à développer les traits du leadership est un facteur central pour libérer les potentiels féminins.

Camille Fumard : Selon vous, quels sont les préjugés typiques qui empêchent les femmes d'exprimer pleinement leur voix ?

Chiara Condi : Les images nous conditionnent énormément. Or nous avons encore une vision très « terminatorienne » du leader. On associe automatiquement le leadership à une image masculine. Notre grille de lecture est donc biaisée. Nous devons modifier cette image avec de nouveaux modèles.

Cristiano Stampa : Pour moi les difficultés qu’ont les femmes dans certains secteurs d’activité pour atteindre la « C-suite » (pour « classe dirigeante ») sont essentiellement liées à un manque de confiance et aux sacrifices à prendre dans leur vie privée. Ce dernier point est un vrai sujet de société car on demande beaucoup aux femmes, tout comme le rôle du dirigeant devient de plus en plus complexe dans une entreprise à objectifs multiples. Les cadres de niveau C comme le « Chief Executive Officer » (CEO), le « Chief Operating Officer » (COO) ou encore le « Chief Financial Officer » (CFO) ont un agenda qui porte à renoncer à une part de leur vie privée. Avoir ainsi des modèles féminins qui racontent leur entrée en fonction et le moment où elles ont dû croire en leurs compétences, en leurs capacités de leadership peut permettre de lever des obstacles d’ordre plus introspectifs.

On a déjà eu des modèles comme Marissa Mayer en tant que PDG de Yahoo, Jean Liu, CEO de Didi Chuxing (géant chinois des VTC) pour sa négociation de rachat de toutes les activités du géant américain Uber en Chine contre une participation de 20 % dans Didi. Dans notre secteur, en France, nous avons Méka Brunel, CEO de la foncière Gecina, ou encore des figures comme l’architecte Hala Wardé nommée parmi les 40 femmes Forbes françaises. C’est en politique que nous retrouvons le plus de modèles allant d’Angela Merkel à Christine Lagarde pour la présidence de la Banque centrale européenne (BCE) en passant par Helle Thorning-Schmidt, ex-Première ministre danoise qui a inspiré la série Borgen...

Chiara Condi : ... la question de la parité dans la représentation politique est en effet acceptée ! En 1930, lorsqu’a été posée la question à la population de savoir s’ils seraient prêts à élire une femme présidente, un tiers de la population a répondu oui. Désormais à la même question c’est 90 % de la population. Je pense que nous connaîtrons la même progression dans le leadership féminin.

Camille Fumard : Chez Invesco qu'avez-vous mis en place ? 

Cristiano Stampa : Chez Invesco, nous sommes une entreprise américaine basée à Atlanta, dans l'État de Géorgie, par conséquent les politiques de gestion de la diversité et de l’inclusion sont quelque peu différentes. Elles sont notamment inspirées du « Gender Fair ». Nous avons mis en place des outils à la fois de « contrôle négatif », et « d’incitation positive ». Cela passe par la signalisation d’abus, la création par pays d’un réseau féminin, ou encore d’une guide line paritaire (selon les bassins de compétences) pour le pilotage des recrutements. Il me semble important aussi d’élargir la question de la parité à celle de la diversité. Chez Invesco, nous avons un dispositif complet pour soutenir le « mois des fiertés LGBT », The Pride Month, où nous publions tous les jours des récits de « coming out », à commencer par ceux de personnalités de haut rang.

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