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Première décision de justice condamnant un diagnostiqueur pour un DPE erroné : vers une prochaine mise en cause de la responsabilité des promoteurs ?

Propulsé sous les feux des projecteurs avec les lois Grenelle et le dispositif Scellier, le label de haute performance énergétique Bâtiment basse consommation (BBC) et bientôt la réglementation thermique 2012 (RT 2012), ainsi que les bâtiments à énergie positive (BPOS), font prendre conscience aux acquéreurs de l’importance d’une bonne maitrise de la consommation énergétique des bâtiments.

Cette prise de conscience a débutée avec le diagnostic de performance énergétique. Malmené par certains apprentis diagnostiqueurs, il retrouve une seconde vie en s’exhibant dans les vitrines d’agences immobilières et devrait être amélioré par le législateur. Il vient de donner lieu à une première décision de justice dans laquelle l’acquéreur d’une maison voit reconnaitre le préjudice qu’il subit du fait de la mauvaise évaluation de la consommation énergétique (TGI Paris, 7/04/2011, 5ème ch. 2e section, RG09/15353).

Nombreux sont les professionnels de la construction à s’inquiéter du risque de mise en cause de leur responsabilité en cas de dérives énergétiques de l’immeuble construit.

A première analyse, il semble que le pas ne puisse pas être si vite franchi entre la responsabilité professionnelle d’un diagnostiqueur qui mesure les consommations énergétiques réelles d’un immeuble existant et celle d’un promoteur qui vend un immeuble neuf conforme à un calcul théorique dans le cadre d’un label « BBC 2005» ou, prochainement, de la « RT 2012 » et son seuil de « 50kWhep/m2/an ».

La décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris montre que la responsabilité du diagnostiqueur a été retenue sur le fondement de sa responsabilité civile professionnelle. Le diagnostiqueur avait commis des « erreurs grossières » qui ont justifié la mise en jeu de sa responsabilité afin de réparer la perte de chance de l’acquéreur « d’avoir pu négocier à la baisse le prix d’acquisition du bien ou d’avoir pu renoncer à cette acquisition si le prix lui avait paru trop élevé ».

Cette jurisprudence ouvre certainement la voie vers une recherche de la responsabilité des diagnostiqueurs, et probablement des professionnels, qui délivreront à l’avenir les attestations de prise en compte de la réglementation thermique prévues par les articles L111-9-1 et R111-20-1 à R111-20-4 du Code de la construction et de l’habitation en application de la loi Grenelle II.

Cependant, plusieurs arguments techniques viennent limiter de prime abord le risque d’extension de cette jurisprudence à la responsabilité des constructeurs.

En premier lieu, la responsabilité des constructeurs relève du régime spécial des articles 1792 et suivants du Code Civil qui instaure une responsabilité spécifique s’agissant des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rende impropre à sa destination. Une action à l’encontre d’un promoteur devra donc s’inscrire dans ce cadre juridique spécifique.

Ensuite, la réglementation thermique et ses labels de haute performance reposent sur un calcul théorique exclusif du comportement de l’utilisateur. En d’autres termes, ni le label BBC, ni la RT 2012 n’ont vocation à estimer la consommation énergétique réelle de l’immeuble, ce qui est l’objet du DPE, ni encore moins à la garantir.

Mais, malgré ces différences techniques, la tendance de fond des décisions de jurisprudence semble évoluer en faveur des acquéreurs non professionnels qui ne bénéficieraient pas des avantages attendus du bien acquis et, dans le cas des immeubles « BBC », des économies d’énergies potentielles, largement mises en avant dans la documentation commerciale des promoteurs.

Ainsi, dans un arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2000, les juges ont estimé que « l’immeuble était rendu impropre à sa destination par le non fonctionnement de l’élément d’équipement constitué par les capteurs solaires, […] et parce que les objectifs d’économies d’énergie, consécutifs à la fourniture d’énergie mixte, promis aux utilisateurs par le promoteur, qui s’était prévalu de la qualification solaire trois étoiles, n’étaient pas atteints […]». La Cour de cassation a donc intégré dans la destination du bien l’attente de l’acquéreur par rapport aux économies d’énergies promises.

La nouvelle attestation de prise en compte de la réglementation thermique qui sera délivrée dans le cadre des constructions soumises à la RT 2012, en application du décret n° 2011-544 du 18 mai 2011, ne devrait pas exonérer les constructeurs de ce risque, puisque la jurisprudence admet que des désordres puissent relever de la garantie décennale malgré le respect de la réglementation applicable (pour exemple en matière phonique : Cass Plen. 27 oct. 2006 et Cass. Civ. 3e 30 nov. 2010)

La prudence s’impose donc pour les promoteurs, qui devront prévoir des clauses d’information claires à destination des acquéreurs, conformément à leur devoir de conseil.