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Offense

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Par Toutatis, Paris ne serait plus Paris sans une bonne (petite) polémique. La gare du Nord cristallise tous les débats depuis la publication opportune d’une tribune d’architectes de renom dénonçant le projet de refonte de l’antre ferroviaire. Une tribune qui, bien qu’arrivant plus d’un an après la révélation du programme, a délié les langues des uns et a fait retourner la veste d’autres. La plus spectaculaire reste celle de la mairie de Paris qui, en juillet 2018 par la voix de sa maire Anne Hidalgo, louait « ce réaménagement ambitieux de la gare du Nord, porté par le groupe SNCF avec le soutien de la Ville de Paris ». Mais en septembre 2019, Jean-Louis Missika, adjoint à l’Urbanisme, appelle à revoir le projet. « La Ville de Paris ne sera pas aux côtés de la SNCF pour défendre le projet commercial. »

Certes, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, dit le proverbe. Mais on peut légitimement s’interroger sur les motivations profondes d’une telle opposition. Sauf à penser qu’il faut mieux procrastiner sa vision de la ville à quelques mois d’échéances électorales.

Les architectes qui ont mis le feu aux poudres le mois dernier dénoncent notamment un projet « pharaonique » qui serait « une grave offense aux usagers du transport ». Il ne s’agit pas ici de défendre coûte que coûte une opération, qui se doit d’être critiquable et critiquée pour sans cesse s’améliorer. Mais il ne faudrait pas tomber dans le règlement de comptes entre architectes. En matière de projet « pharaonique », certains signataires de la tribune n’ont pas forcément de leçons à donner. 

Le point qui cristallise le plus les oppositions est celui des commerces. Du jour au lendemain, le commerce n’aurait plus sa place dans une gare. Tirons un trait définitif sur le « travel retail », du commerce physique connecté aux flux, au profit du « retail travel », des consommateurs connectés à leur smartphone.

Et si la question centrale était tout bonnement celle de la place des acteurs privés dans la fabrique de la ville ? Jusqu’où peuvent-ils aller ? Jusqu’où doivent-ils aller ? La stratégie de partenariat promue par Jean-Louis Missika dans son nouvel urbanisme parisien – et habilement mis en œuvre par les concours Réinventer Paris – atteint ses limites sur un dossier qui n’est pas seulement parisien, mais national. La SNCF reconnaît avoir les poches vides. Le gouvernement n’entend pas faire payer les contribuables. Il faut donc trouver de nouveaux financeurs. 

Les acteurs privés sont – malheureusement pour les uns, heureusement pour d’autres – devenus incontournables dans la fabrique de la ville. Gare du Nord, ces « marchands du temple » viennent rebâtir un édifice que le service public n’a su entretenir et faire évoluer aux nouveaux usages. Elle est peut-être là, la grave offense faite aux usagers de la ville.

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