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Point de vue de Laurent Escobar, Adéquation

Quelles charges foncières pour les logements neufs : réponse grâce à l’open data du foncier (et quelques mois de travail)

© WavebreakMediaMicro / Adobe Stock

À combien s’échangent les terrains destinés à la promotion immobilière de logements dans le diffus ? Quelles sont les différences de prix d’un secteur de l’agglomération à l’autre ? Dans quelle mesure la taille et la composition des programmes affectent-elles les prix fonciers ? 

Imaginons une application qui, pour chaque programme de logement neuf récent ou en cours, indique le prix payé par l’opérateur pour acquérir le terrain, rapporté à la surface construite. 

Nul doute que cette information serait utile aux institutions comme aux acteurs privés pour ajuster leur politique d’acquisition foncière et négocier avec les propriétaires. La transparence des prix devrait contribuer à calmer l’inflation dans les zones où ces derniers, aidés par l’opacité du marché, sont en position de force pour faire monter les enchères.

C’est ce qui a motivé Explore et Adéquation à en développer le prototype. L’application fonctionne sur la métropole de Nantes et sera visible au Simi.

Une interface cartographique permet de faire apparaître la charge foncière au mètre carré de SDP de tous les programmes commercialisés sur la période (hors ZAC), avec des filtres possibles par année (2014-2018) et par tranche de prix ou de surface.

L’hybridation de données et de compétences qui a été nécessaire au développement de cette application illustre l’intérêt de constituer un écosystème d’acteurs autour de l’open data du foncier.

Rappelons que l’open data du foncier désigne l’ouverture au public, en avril 2019, des données de valeur foncière (DVF) enregistrées lors des transactions par les services du ministère des Finances

Un cluster d’entreprises a été créé au sein du Laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes (Lifti) pour accompagner cette ouverture [1]. Il réunit à ce jour une quinzaine d’entreprises intéressées à des titres divers par ces données : elles participent à l’établissement de standards de nomenclature et d’échanges des données pour faciliter le développement d’applications. Adéquation et Explore en font partie.

La donnée seule ne fait pas l’information

Pour qui n’est pas familier de ces questions, il faut souligner le gap qui sépare les données brutes d’une information pouvant servir de base à des décisions, qu’elles soient d’ordre politique ou économique. 

Concrètement, pour calculer une charge foncière, il faut identifier dans la base DVF les prix d’acquisition des parcelles d’assiette de l’opération immobilière et les rapprocher de la surface de plancher figurant au permis de construire.    

Mais, du côté de la base DVF :

  • les Vefa sont pour la plupart cumulées par opération et rangées avec d’autres classes d’actifs dans la catégorie des locaux indéterminés (les champs qui permettaient de les y repérer avant l’ouverture au public ont été anonymisés) ;
  • les Vefa sont enregistrées sur une seule parcelle cadastrale, alors que l’assiette foncière d’une opération immobilière porte le plus souvent sur plusieurs ;
  • situés en secteur urbain, la plupart des terrains d’assiette sont bâtis ; or, l’acquisition de maisons, d'appartements, de locaux d’activités par un promoteur n’est pas distinguée de celle d’un particulier ou d’un utilisateur.

Quant aux permis de construire, la base de données publiques Sitadel2 présente aussi des limites :  

  • les références de parcelles cadastrales sont souvent mal renseignées ; ce qui rend difficile la géolocalisation ;
  • enfin, en cas d’opération mixte, mêlant logements libres et logements sociaux, l’affectation des surfaces par destination n’est pas précisée. 

Bref, on est loin de la situation idéale où il suffirait de cocher quelques cases pour faire apparaître les charges foncières des logements neufs.

Données + expertise métier + développements informatiques

Pour parvenir à cette fonctionnalité, dans le prototype que nous avons développé, il a fallu croiser les DVF avec deux autres bases de données : l’une référençant les permis de construire (Explore), l’autre les programmes neufs commercialisés (Adéquation). Il a fallu aussi apporter une bonne dose d’expertise « métier » pour reconstituer les opérations et valider « à dire d’expert » la justesse des résultats. Des outils de SIG et des algorithmes de calcul ont également été mobilisés pour automatiser partiellement les processus, sans parler du développement de l’interface d’accès aux données pour les utilisateurs.

Nous sauront mobiliser des ressources analogues pour créer des applications utiles exploitant les valeurs foncières, soit brutes, soit déjà retraitées. 

Un exemple parmi d’autres : notre base de données des charges foncières pourrait s’enrichir d’un module indiquant la valeur de transformation du foncier. Nous savons à quel prix s’est vendue une maison sur son terrain remplacée par x logements sur la parcelle. C’est combien de fois plus que sa valeur sur le marché de l’ancien ?  

Pour le savoir, il « suffit » d’interopérer notre base de données des charges foncières avec une base de données des prix de l’ancien. Est-ce simple ? Est-ce utile ? C’est aussi l’un des intérêts du cluster que de faire germer et de tester des opportunités de développement marchand et/ou d’intérêt général, celle-là ou d’autres, autour des DVF. 

Pour y participer, manifestez votre intérêt sur le site www.lifti.org.


[1] Nous recommandons la lecture du vademecum publié dès mai 2019 par le Groupe National DVF (GnDVF) pour accompagner les utilisateurs dans le traitement des DVF.