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Point de vue de Béatrice Guedj, Swiss Life Asset Managers

Allocation de portefeuille : immobilier coté à l’honneur ! Stock picking pour 2020 ?

© Source : EPRA & Swiss Life AM

Le chant du « lower for longer » contribue à fortement bénéficier aux actifs alternatifs, dont l’immobilier. Par rapport à l’immobilier direct, l’immobilier coté semble relativement préservé de la contagion de la valorisation des actifs impulsée par le renforcement des taux d’intérêt bas. Dans ce contexte, tout investisseur peut s’interroger sur la pertinence d’une exposition aux sociétés immobilières cotées dans l’allocation d’actifs, et plus particulièrement sur le compartiment immobilier.

Capitalisation boursière et valeur de l’actif net réévalué

Cette question se pose à un « timing » précis du cycle pour l’immobilier coté : depuis 2015, de nombreuses REITs en Europe sont l’objet d’une forte décote de leur capitalisation boursière par rapport à leur actif net réévalué, tel que montré par l’indice EPRA. Une combinaison d’effets, liés au « retail bashing », au Brexit, ou à la remise en cause du « business model » de certaines REITs, sont les arguments souvent mis en avant, tous azimuts et sans réel facteur discriminant.  

Pour rappel, les REITs européennes, et notamment les SIIC françaises, donnent accès à un portefeuille d’immobilier de qualité et permettent de fait une exposition à des secteurs très différenciés, via des spécialistes sur des typologies d’actifs bien identifiées. L’analyse des patrimoines des REITs suggère que selon les pays, les sociétés immobilières cotées détiennent de 25 à 50 % du stock d’immobilier investi, notamment sur des localisations « prime » et à forte croissance. Ces REITs sont souvent les principaux investisseurs institutionnels sur leur marché domestique.

Corrélations avec les autres marchés

En plus de la décote de la capitalisation boursière par rapport à l’actif net réévalué, il existe une prime du taux de distribution des dividendes par rapport au taux de capitalisation des bureaux « prime ». Cette prime du taux de distribution a fortement augmenté depuis la politique d’assouplissement monétaire (Quantitative easing) de la Banque centrale européenne. Notons que dans le cas français, les environnements des SIIC sont plus facilement comparables en termes de prime par rapport aux bureaux du quartier central des affaires (QCA) que l’ensemble des REITs à un taux « prime » européen. Cette prime est significative, ce qui appelle une analyse sur le comportement du sous-jacent, pour en comprendre les performances à moyen et long termes, en regard de la croissance des prix.

Une analyse des corrélations montre que pour des horizons d'investissement à moyen terme, l'immobilier coté se comporte de manière croissante comme l'immobilier direct sous-jacent. En effet, alors que l’immobilier coté est souvent géré avec les autres compartiments actions, au-delà de trois ans et plus, il subit de moins en moins l'influence du marché des actions, comme cela est illustré dans le cas français. La capacité de diversification de l’immobilier coté par rapport aux actions (dans le cas présenté dans ce billet, le CAC All Tradable) et aux obligations (les OAT 10 ans) est moindre que celle de l’immobilier direct, identifié par le taux « prime » Paris QCA, mais elle reste toutefois importante. Cette première remarque est fondamentale pour comprendre la complémentarité de l’immobilier coté et de l’immobilier direct, dans le cas d’une « allocation bicéphale ».

Portefeuille : binôme immobilier (coté-direct)

Pour quantifier la part d'immobilier coté qu'il serait actuellement souhaitable d'introduire dans l'exposition en immobilier des investisseurs institutionnels, il suffit de procéder à un exercice d’analyse quantitative de gestion de portefeuille. L’exercice consiste à démarrer d'un portefeuille diversifié de référence, ou « défensif », investi à 75 % en obligations OAT 10 ans et 25 % en actions au travers de l’indice CAC All Tradable. L’immobilier est alors introduit à hauteur de 20 % sous la forme d’immobilier coté au travers de l’indice IEIF Foncières et d’immobilier direct au travers de l'indice des bureaux « prime » Paris QCA CBRE. La démarche est ensuite « itérative », puisque le mix immobilier varie de 20 % d’immobilier direct à 20 % d’immobilier coté par pas de 5 %.

L’investisseur sait bien que la volatilité des portefeuilles est la résultante des volatilités et des corrélations des performances totales des actifs ; aussi, la moindre corrélation, telle que présentée antérieurement, intuite déjà des résultats quantitatifs présentés ci-après.

On rappelle que la rentabilité attendue des actifs est la somme des rendements courants et des facteurs d’indexation anticipés des revenus. Le facteur d’indexation pour les actions est la croissance nominale potentielle et, pour l’immobilier, l’inflation anticipée.

L’exercice de modélisation montre que l’introduction d’immobilier augmente systématiquement la rentabilité par unité de risque du portefeuille de base.

Une exposition immobilière constituée de 20 % d’immobilier coté permet en effet d’augmenter de 30 points de base la rentabilité attendue du portefeuille initial à niveau de volatilité inchangé.

Une exposition immobilière constituée de 15 % d’immobilier direct et de 5 % d’immobilier coté permet de réduire de 10 % la volatilité du portefeuille de base à niveau de rentabilité attendue inchangé.

Value call : Stock picking is key!

L'exposition en immobilier coté, telle que présentée, peut être dynamisée par une stratégie de stock picking privilégiant une sélection de sociétés immobilières différente de la composition des indices et des poids différents de la capitalisation boursière : le stock picking est la stratégie discriminante majeure pour engendrer de la performance potentielle, et elle nécessite une bonne connaissance des métriques des REITs et de leur patrimoine.

Au niveau européen, les sociétés immobilières cotées investissant dans les segments logistique, industriel et de santé présentent une forte prime de leur capitalisation par rapport à leur actif net réévalué, alors que celles investissant dans les segments résidentiel et commercial subissent une forte décote. Toutefois, au sein de chacun des secteurs, les stratégies et patrimoines sont singuliers à chaque REITs, c’est la beauté de l’immobilier !

Aussi, parmi ces sociétés décotées, il est important d’avoir une démarche sélective entre les sociétés qui pourraient apparaître comme des « value trap », c’est-à-dire dont la valorisation est pleinement motivée par des business models destructeurs de valeur, versus les sociétés qui pourraient être considérées comme « value call », dont les business models sont créateurs de valeur.

Aussi, au sein de l’échantillon des sociétés immobilières spécialistes en commerce, il est noté une grande hétérogénéité de relation entre la capitalisation boursière et l’actif net réévalué. Toutefois, l’analyse des éléments fondamentaux permet d'identifier deux sous-ensembles de sociétés : les sociétés qui ont enregistré des hausses de loyers et sont au-dessus de leur moyenne depuis 2013, versus celles qui n’ont pas enregistré de hausse de loyers et sont en dessous de leur moyenne depuis 2013.

Enfin, selon un classement via des critères de taux d’efforts des locataires, taux d’occupation et tendances du taux d’effort, il est possible d’identifier deux sous-ensembles de REITs commerces :  celles qui investissent dans des zones de chalandise dynamiques, des « hot spots », résilientes au e-commerce, et celles qui n'ont pas cette exposition. Aussi, le croisement de l’ensemble des critères permet une « sélection » des sociétés qui sont en position d'amplifier l'effet positif de l'introduction d'immobilier coté dans l'exposition en immobilier, et de générer ainsi une performance à moyen et long termes. 2020 sera l’année de toutes les attentions !