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Point de vue de Valérie Mellul, Nexity Conseil & Transaction

La mode du « tout » dans l’immobilier, pour quoi faire ?

© Pixel-Shot / Adobe Stock

Si les usages ont bouleversé la façon d’appréhender les bureaux, le lieu de travail, tout comme l’émergence du travail nomade rendue possible par la révolution digitale, les réponses apportées sont trop souvent des effets de « mode » versus des solutions adéquates : le « tout flex », le « tous nomades », le « tout service »… Or, il nous faut garder en fil conducteur le questionnement suivant : pour quelle finalité, pourquoi, pour qui, pour quoi faire ?

Oui, il faut trouver des solutions pour réduire la non-occupation des espaces, source d’économie potentielle, mais la réponse n’est pas forcément le « tout flex ». L’analyse d’une moyenne globale de taux d’occupation des bureaux peut induire des non-sens : doit-on appliquer les mêmes ratios à des comptables, des juristes d’entreprise, à des consultants en informatique, à des commerciaux : la réponse est celle du bon sens : non !

L’analyse par nature d’activités, par fonction, sera d’autant plus pertinente qu’elle abordera les besoins spécifiques et donc la recherche d’une solution plurielle. Elle conduit également à réfléchir sur les besoins non couverts, comme ceux liés aux équipes projet et à des espaces dédiés.

Oui, créer des espaces flexibles consacrés aux équipes nomades a un vrai sens, mais le « tout flex » sur des populations sédentaires peut avoir des conséquences inverses au but recherché. N’oublions pas les sous-jacents nécessaires à un collaborateur pour qu’il se sente utile : faire partie d’un collectif, d’un projet. Ceux qui souhaitent créer une rupture globale des modes de travail devront se questionner sur le ressenti potentiel des collaborateurs en arrivant le matin sur leur lieu de travail : ai-je une place pour travailler, combien de temps pour la trouver, quel est le ressenti sur « ma place » au sein d’un open space dans lequel je vais devoir recréer mon repère, mon lien avec l’autre, les autres ?

Bien entendu, il faut abattre des cloisons, mais en choisissant le « zéro cloison », a-t-on intégré les conséquences en matière de gêne acoustique, de nuisance sonore ? N’avons-nous pas déjà tous entendus des retours en la matière : « depuis que nous sommes tous en open space, nous ne nous parlons plus pour éviter de déranger les voisins, nous nous envoyons des mails ! »

Idem pour le « tout ludique » ! Oui, le baby-foot peut être un vecteur d’échanges informels interservices, mais combien d’entre nous ont déjà entendu : « Nous avons dû le déplacer et mettre des cloisons ou créer des horaires pour éviter le bruit qu’il génère » ?

Alors oui, l’open space répond à des besoins, mais comme toute solution, si elle n’est pas adaptée à ceux pour qui elle est destinée, si elle n’est pas accompagnée pour faire adhérer, elle deviendra une source non négligeable d’irritants sociaux.

Repenser le lieu de travail de ses collaborateurs, c’est aussi penser à ce qui favorise le lien, le liant, l’animation d’une vie collective. C’est aussi travailler sur des preuves tangibles de considération de ses collaborateurs, de leur confort de travail, mais aussi de la nature de l’engagement collectif qu’une entreprise porte, d’autant plus à l’heure où les entreprises se positionnent sur leur raison d’être !

De la même façon, si le coworking répond à des besoins réels, le considérer comme LA solution de remplacement unique ne peut être acceptable. Nous avions réalisé il y a quatre ans une étude auprès des start-up sur leurs besoins actuels et futurs en matière d’immobilier. Là encore, si en début de cycle de vie de leur projet, tous saluaient les bénéfices du coworking, ils souhaitaient tous créer ensuite leur totem en intégrant leur propre lieu de vie collectif. À cela, s’ajoutent les besoins croissants en matière de sécurité, de cyber sécurité.

En revanche, nul ne peut contester l’apport de services dans l’espace de travail, véritable tendance de fond. Les investisseurs l’ont déjà bien intégré puisqu’aucun actif n’est commercialisé sur le marché sans apporter des services aux occupants. Là aussi, la nuance est source d’utilité. Proposer des salles de réunion ou des espaces supplémentaires permettant aux entreprises occupantes de l’actif de disposer de flexibilité pour leurs besoins, bravo. Offrir une vraie restauration multiple dans un lieu réversible et qui peut servir d’espace de travail ou d’échanges informels, encore bravo. Ces mêmes services ont été source de création de valeur pour les investisseurs puisqu’ils ont pu trouver une source de valeur à des espaces qui pouvaient être moins valorisables à la commercialisation. Proposer une conciergerie, une salle de sport, multiplier les services… Attention ! Encore faut-il analyser l’environnement dans lequel cet actif se trouve : un quartier ultra commerçant avec une salle de sport proche ou pas. Y a-t-il des services à proximité ou non et quels sont les besoins de la typologie des occupants ? Quels coûts supplémentaires dans les charges ?…

L’effervescence des nouveautés proposées comme solution aux entreprises ne doit pas les faire dévier de leur objectif, enjeu, ambition. Les solutions sont multiples, plurielles et elles ne sont pertinentes que lorsqu’elles répondent à une analyse fine des enjeux, des objectifs, de l’activité, des besoins des collaborateurs. Quelles qu’elles soient, ces solutions doivent faire l’objet d’un accompagnement au changement, et c’est bien là une demande croissante des entreprises dans leur projet immobilier, véritable levier de performance et de transformation.