Business Immo, le site de l'industrie immobilière

Côte à côte plutôt que face à face

Après la période de sidération, la phase de solidarité s’ouvre le temps des tensions après un mois de confinement. Des tensions qui se cristallisent sur la question des loyers, tout particulièrement dans le secteur du commerce qui, avec l’hôtellerie, est à l’arrêt complet. La pression des commerçants et restaurateurs sur les bailleurs apparaît légitime, à tout le moins compréhensible, quand la quasi-totalité du chiffre d’affaires a disparu instantanément. Elle est même logique quand on sait que l’immobilier est pour beaucoup le deuxième poste de charges après les salaires. Faut-il pour autant basculer dans l’outrance comme l’a fait Roland Beaumanoir caricaturant les foncières sur les antennes de BFM Business, pour se faire entendre par le gouvernement ? Surtout quand la réponse de celui-ci ne peut être que partielle, parfois même partiale.

L’État a pris ses responsabilités sur la question salariale au travers des ordonnances sur la mise en place de l’activité partielle. Sans en mesurer totalement le coût, il a décidé de l’assumer par une explosion de la dette publique. Il sera temps, les jours d’après, de se pencher sur la manière de l’apurer.

Mais comment peut-il en être de même sur la question des loyers ? La piste des assureurs semble écartée aujourd’hui, ces derniers arguant qu’une indemnisation de la perte d’exploitation des commerçants n’est tout simplement pas supportable financièrement. Des « dizaines de milliards d’euros, somme qu’aucun acteur à part l’État ne peut assumer seul », avance Florence Lustman, la présidente de la Fédération française de l'assurance (FFA). S’il a tancé vertement les assureurs, l’exécutif s’est gardé de requalifier le Covid-19 en catastrophe naturelle sanitaire.

L’État garant en dernier ressort des loyers impayés ? Cette piste se heurte aux limites même des capacités financières de l’État providence et à l’interprétation du fameux « quoi qu’il en coûte ».

Reste une dernière voie, celle de la solidarité. Celle du bon sens, à condition de sortir des positions dogmatiques des uns et des autres. Rebasculer l’effort de solidarité sur les « grands bailleurs » au profit des « petits commerçants », et par extension aux TPE, ne peut être qu’une solution bancale. La taille n’est pas un gage de santé financière. Certaines enseignes ont montré qu’elles étaient des colosses aux pieds d’argile. Esquintées par les Gilets jaunes et les grèves, fragilisées par la montée du e-commerce, elles ne sauraient toutefois reporter la faute aux seuls bailleurs sans même faire un début d’autocritique sur des stratégies d’expansion parfois hasardeuses ou des gestions financières inadéquates.

La solidarité ne se décrète pas. Dans l’immobilier, elle doit être de la responsabilité de tous les acteurs, bailleurs comme preneurs. Les premiers ont le devoir de s’occuper de leurs clients s’ils veulent pérenniser leurs relations avec eux. De nombreuses foncières l’ont compris en décidant ici d’annuler tout ou partie des loyers pendant le confinement, là d’abonder des fonds de solidarité au profit de leurs enseignes. Les seconds ont et auront besoin d’un outil de travail performant pour redémarrer. Et l’immobilier en fera plus que jamais partie. Même dans le monde d’après.

Le face à face est mortifère. Le côte à côte, lui, est nécessaire.

Business Immo