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Point de vue d'Axel Nevers, université de la Ville de demain

La ville bas carbone : utopie ou réalité ?

Face à l’échec de la COP 25, participer à la construction de la ville bas carbone devient une priorité qui concerne tous les acteurs urbains. Comment rendre cela possible ? C’est le sujet que se propose d’étudier l’université de la Ville de demain.

© Hurca! / Adobe Stock

3,5 milliards : selon les Nations unies, c’est l’augmentation vertigineuse du nombre d’urbains prévue d’ici 2050 pour atteindre 7 milliards, soit 70 % de la population mondiale à cette date. Le processus d’urbanisation est d’une puissance incontestable et ne semble pas devoir s’arrêter, pas même en Europe. Fait inédit dans l’histoire humaine, nous sommes devenus mondialement une civilisation d’urbains. 

C’est en effet dans les villes que s’expriment le plus manifestement les opportunités et les tensions propres aux grandes transitions de ce siècle. C’est donc aussi dans les villes que se préparent les réponses à ces nouveaux défis planétaires. Ainsi, si le facteur urbain a été prépondérant dans la rapidité de propagation et l’ampleur de l’épidémie de Covid-19, il le sera peut-être dans l’issue à cette crise grâce à l’incroyable concentration de moyens humains et financiers qu’offrent les villes, notamment pour la recherche. Si ce choc brutal nous impose de réduire pour un temps la temporalité au présent, il ne doit pas détourner nos efforts face à un choc plus délétère, mais d’une ampleur encore inconnue et probablement inégalée : le choc climatique. 

Le plus grand défi humain de ce siècle est de déployer les activités humaines sous la limite de soutenabilité de la planète, au risque de subir demain à grande échelle les conséquences des choix que nous faisons aujourd’hui. Et ici encore, rien ne se fera sans les villes : elles concentrent 80 % du PIB et 70 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. 

Le consensus sur l’objectif à atteindre est désormais acquis : zéro émission nette en 2050. Si chacun est tenté de définir son propre périmètre (scope 1, 2 ou 3) et son propre indicateur afin de s’accorder unilatéralement un satisfecit, la neutralité carbone reste un défi éminemment collectif. Et c’est évidemment vrai pour les villes qui, par essence, concentrent les processus de transformation générant des externalités négatives, dont les gaz à effet de serre. L’atteinte de l’objectif devra sans doute intégrer la réalité d’un territoire de coopération plus large permettant d’imaginer des actions de compensation carbone cohérentes. Nourrir l’ambition d’une ville bas carbone, c’est se poser la question de sa forme, sa taille, son organisation et son fonctionnement. Mais c’est aussi réapprendre à répondre à des besoins essentiels : habiter, se nourrir, se déplacer, travailler, se divertir… Or, plus nous attendrons, plus nous agirons dans un monde contraint : à court terme par le coût de cette crise aux risques cumulatifs dont la résolution économique devra se faire en intégrant massivement les paramètres environnementaux, et à moyen terme par les premiers effets réellement impactants du dérèglement climatique sur nos vies.

Cette crise sanitaire est un exercice inédit de résilience collective et doit nous permettre de mieux préparer les chocs futurs, au premier rang desquels le choc climatique. Et regarder avec acuité nos faiblesses est le premier pas vers la résilience. La ville bas carbone n’est pas qu’un défi d’ingénierie qui sera relevé par la technologie, c’est une ambition qui doit transformer la ville et ses usages. Profitons de cette mutation nécessaire pour inventer ensemble un nouveau récit urbain désirable et mobilisateur : prendre conscience de nos interdépendances, multiplier les coopérations, faciliter l’expérimentation et les retours d’expérience, s’appuyer sur l’intelligence collective pour susciter l’adhésion par l’implication, apprendre avec humilité face à l’inconnu, s’engager avec détermination et agir avec force. Car derrière la ville, il y a des femmes et des hommes, élus, dirigeants d’entreprises ou d’organisations, médias, salariés, citoyens : ensemble, nous incarnons la ville et nous avons à exercer cette responsabilité commune pour que nos villes soient plus résilientes, durables, inclusives et créatrices de valeurs. 

Au XXe siècle, le naturaliste et humaniste Théodore Monot l’énonçait déjà : « L’utopie n’est pas l’irréalisable mais l’irréalisé. » Le chemin vers la ville bas carbone pour tous est autant un formidable défi à l’intelligence humaine qu’une opportunité unique de se réapproprier le sens de la ville ! À nous d’agir pour que l’utopie d’hier devienne la réalité de demain.  

  • Point de vue issu du Grand Angle du Business Immo 165, consacré à la crise climatique. Consultez le Grand Angle ici.
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