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Guerre et Paix

© kelly marken / Adobe Stock

Jeanne-Marie Prost, la médiatrice des loyers commerciaux, nommée par Bruno Le Maire pour trouver un terrain d’entente entre bailleurs et commerçants, vient de rendre les conclusions de sa charte. Soyons francs, avec le refus de signer de 15 associations d’enseignes, on se rapproche davantage de la guerre de tranchées que de l’armistice. Que révèle l’impossible accord entre bailleurs et enseignes sur la question des loyers ?

D’abord, l’importance de l’outil immobilier comme canal de distribution pour les commerçants. D’aucuns pourraient y voir un pied de nez à ceux qui ne jurent que par le digital et le e-commerce. D’autres que le secteur n’a pas totalement tourné la page du « monde d’avant », notamment chez beaucoup de commerçants qui n’ont pas pris suffisamment tôt le virage du digital. La crise du Covid-19 agit ici comme un douloureux révélateur.

Ensuite, de la fragilité de certaines enseignes. C’est particulièrement criant dans l’équipement de la personne où elles tombent comme à Gravelotte. Là encore, la crise sanitaire est sans pitié et tue les plus faibles.

Enfin, de l’extraordinaire hétérogénéité des situations sur le terrain, tant du côté des bailleurs que du côté des enseignes. « Dans de nombreuses villes, le propriétaire des murs est un ancien commerçant qui assure sa retraite », souligne Jeanne-Marie Prost. En quoi serait-il comptable de la situation financière de tel ou tel réseau ?

Comment résoudre l’impossible équation à laquelle se heurtent aujourd’hui bailleurs et commerçants ? Les premiers s’arcboutent, à juste titre, sur la pérennité de leurs cash-flows qui suppose quand même d’avoir des locataires solides. Les seconds plaident en faveur d’une flexibilité à outrance de leurs charges d’exploitation, avec l’espoir de les corréler au mieux à leur chiffre d’affaires. Dans le « monde d’avant », le taux d’effort – c’est-à-dire le rapport entre le loyer et le chiffre d’affaires – était un bon indicateur. Mais dans celui d’aujourd’hui, il atteint ses limites. De nouveaux indicateurs dépassant le seul chiffre d’affaires enregistré dans le magasin seront donc à construire. La capacité à drainer des flux et les identifier, l’exposition physique de la marque permettant de générer du chiffre d’affaires en ligne (l’effet halo), la valeur ajoutée de l’expérience client… seront autant d’indicateurs de performance à faire rentrer en ligne de compte.

Mais en attendant, le seul juge de paix est le contrat. Cette crise est plus que jamais le moment de réaffirmer la force des contrats de droit privé et le respect des engagements entre les parties. S’extraire unilatéralement du bail commercial pourrait avoir des conséquences systémiques dévastatrices pour le secteur du commerce. Et pas seulement pour les bailleurs. « Imaginez si un propriétaire décide du jour au lendemain d’évincer une enseigne sans contrepartie », nous fait remarquer un patron de foncière. La négociation, la médiation, l’arbitrage sont des outils qu’il faudra actionner au cas par cas pour éviter de s’engager sur la voie du contentieux classique.

« Il faut se mettre à la place de chacun : tout comprendre, c'est tout pardonner. » La Guerre et la Paix. Léon Tolstoï.

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  • Personnes citées

    Bruno Le Maire

    Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

    Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

    Jeanne-Marie Prost

    Médiatrice des loyers

    Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique