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Pierre Jacquot & François Grandvoinnet, Edmond de Rothschild Real Estate Investment Management

Vers une résilience à long terme de l’immobilier

Prenons garde aux prédictions hâtives et alarmistes. Cette crise ne remet pas en cause les fondamentaux ou les grandes tendances du secteur. La période actuelle est toutefois propice à un approfondissement stratégique des relations bailleurs-locataires.

© GodoiJE / AdobeStock

Face à une situation inédite, il reste difficile d’anticiper avec précision l’impact du Covid-19 sur l’immobilier. Nous estimons néanmoins que cette crise ne menace pas la résilience du secteur ou les tendances qui l’animent sur le long terme : une croissance des grandes métropoles, un attrait pour les centres-villes et les nœuds de transport où la demande excède l’offre, une densification des espaces avec des immeubles plus élevés pour freiner l’étalement urbain et favoriser un développement durable.

Exode urbain ?

En dépit des nouvelles préoccupations sanitaires, les discours ambiants qui prédisent un exode urbain et un désintérêt pour les appartements des grandes villes au profit des maisons de campagne avec jardin ont de quoi laisser perplexe. Les zones rurales ont subi une nette désaffection depuis des dizaines d’années pour des raisons sociologiques et économiques profondes. De plus, de telles délocalisations se heurtent très souvent à des obstacles d’ordre personnel ou familial.

Les limites du télétravail

Quant au télétravail, qui affecterait l’immobilier de bureaux, on en perçoit également les limites et l’incompatibilité sur le long terme avec la vie de famille. Il ne pourra dans tous les cas dépasser le stade d’un à deux jours par semaine. Si cette crise va accélérer notre réflexion sur la meilleure façon d’utiliser l’espace, nous restons des « animaux sociaux », attachés à notre lieu de travail. Nous aimons partager, conserver des rencontres fortuites dont germent parfois les meilleures idées.

Faible visibilité sur les prix

La question des prix fait également couler beaucoup d’encre. Il est toutefois trop tôt pour en mesurer l’évolution. Les baisses ou les hausses ne peuvent se matérialiser qu’en présence de transactions. Or, elles ont fait défaut pendant toute la période de confinement du fait de l’interdiction des visites et des audits techniques. Et elles ont été trop rares pour marquer une vraie tendance ces dernières semaines. Par ailleurs, les acquisitions ou les promesses de vente qui viennent de se conclure ne seront enregistrées que dans trois mois. Cela concerne aussi bien l’immobilier résidentiel que les bureaux, les commerces ou encore la logistique. Ce qui, au passage, pose problème, en matière de transparence et d’efficience du marché.

Un produit rare

Si l’on ne peut pas imaginer de crise sans baisse de prix, nous pensons néanmoins qu’elle sera limitée, en particulier pour les logements. Gardons à l’esprit que les grandes métropoles continuent à être caractérisées par une pénurie de biens et une forte demande. Nous avions pu vérifier cette tendance lors de la dernière crise en 2008-2009, avec une correction qui est restée minime. Pour diverses raisons, les pouvoirs publics ne daignent accroître l’offre disponible qu’avec prudence. Elle est en outre limitée par de nombreuses contraintes administratives. L’immobilier résidentiel, qui reste un produit rare, résiste mieux et plus longtemps que les autres classes d’actifs.

Des aménagements gagnant-gagnant

La capacité des locataires de bureaux et commerces à honorer leurs échéances constituera bien sûr une clé de la stabilité des investissements et du marché au cours des mois et des années qui viennent.  À ce propos, il convient de souligner leur absence d’opportunisme durant la période de crise. Les demandes de reports de loyers voire d’annulation se justifiaient presque toujours par des situations exceptionnelles.

Cette crise a confirmé la nécessité stratégique d’accorder la plus grande attention aux clients-locataires et d’interagir avec eux en permanence, car le meilleur locataire est celui déjà en place. Les locataires sont souvent reconnaissants des gestes que des propriétaires leur ont consentis dans une situation compliquée. Une réduction de loyer peut aussi intervenir en contrepartie d’un allongement de bail dans une démarche gagnant-gagnant. Au final, cette crise offre une excellente occasion de refonder les relations bailleurs-locataires dans une perspective de long terme et dans l’intérêt de nos clients-investisseurs.