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Logement : les fameuses rentes se nourrissent du statu quo

© Frédéric Prochasson - Fotolia

Dès la campagne présidentielle, le futur président Macron qualifiait les propriétaires immobiliers de « rentiers » et chacun compris alors que les grands opérateurs du secteur (promoteurs, constructeurs, foncières, etc.) étaient également enveloppés dans cette aversion. La lutte contre les rentes ayant été, à juste titre, un marqueur fort de l’action de Macron, ministre de l’Économie, les citoyens et les professionnels qui croient aux vertus de la concurrence étaient donc en attente de mesures radicales qui ne sont malheureusement pas venues, ni à l’automne 2017, ni au moment de la loi Élan en 2018. Au contraire, l’immobilisme du gouvernement conjugué au ralentissement classique (et compréhensible) lié aux élections municipales a conduit le pays vers une année noire en matière de construction de logements neufs. Résultat, la pénurie ainsi aggravée vient renforcer le pouvoir du propriétaire par rapport au locataire et les loyers augmentent partout dans les métropoles depuis 2017. Pour les professionnels, et notamment les promoteurs immobiliers résidentiels, l’absence d’offre concurrente constitue une incitation à maintenir des prix élevés. Idem pour les vendeurs de fonciers qui sont devenus tout-puissants.

Prenons conscience que ces rentes ont un coût gigantesque pour la collectivité. Au moment où nous écrivons ces lignes, la crise sanitaire ne semble pas avoir remis en cause le processus de métropolisation à l’œuvre depuis plusieurs années en France. Tout au plus, certains signaux faibles nous laissent à penser que les villes périphériques des métropoles ont gagné en attractivité au détriment de la ville centre où les logements sont plus petits et donc moins bien adaptés au confinement. Les métropoles de Lyon, Bordeaux, Nantes, Toulouse, Montpellier, ou encore Lille vont donc continuer à attirer un flux continu de population et il n’y aura pas assez de logements pour tout le monde. Le chiffre de 4 millions de mal-logés en France va donc mécaniquement augmenter. En parallèle, la pénurie va bouleverser de nombreux parcours résidentiels et aggraver les inégalités. Alors que CDC Habitat et In’li ont judicieusement lancé un grand programme d’achat de logements neufs en bloc, quelle sera l’offre de biens neufs disponibles à l’accession par des particuliers dans les années à venir ? Un fossé va se créer entre les citoyens qui pourront profiter des taux d’intérêt faibles et devenir propriétaires de logements onéreux et ceux qui n’auront pas accès à ce marché et resteront durablement locataires dans le parc social ou libre. Bien sûr, la fracture sera aussi générationnelle, car on sait que l’acheteur d’un logement neuf a 39 ans en moyenne. Enfin, cette situation est d’autant plus cruelle qu’elle intervient après une période de confinement durant laquelle les Français ont pris conscience du rapport intime qu’ils entretenaient avec leur logement, et nombre d’entre eux sont désormais en demande de mobilité, car ils ont changé de stratégie résidentielle.

Les professionnels du secteur ont entendu l’appel lancé par les citoyens lors des élections municipales et toutes les propositions de relance du secteur doivent prendre en compte les nouvelles exigences environnementales. L’enjeu des prochains mois consiste donc à imaginer un nouveau pacte entre les professionnels de la construction neuve, les élus et les citoyens, et c’est le rôle de l’exécutif de faire aboutir ces discussions. Soyons optimistes, de nombreuses solutions existent. Fin de l’artificialisation des sols ? Chiche ! Mais soyons innovants et agiles dans la transformation du parc existant. Accélérons les procédures qui permettent de remplacer des bureaux ou des commerces obsolètes par des logements adaptés, et gardons-nous de tout dogmatisme en ce qui concerne les surélévations d’un ou deux étages rendues économiquement viables et environnementalement souhaitables grâce à l’utilisation de matériaux légers et biosourcés. Ciblons particulièrement les villes peu denses (il y en a encore !) qui appartiennent à des métropoles dynamiques, et imaginons peut-être des transferts financiers intramétropolitains pour dédommager la municipalité qui prend en charge l’effort de construction. Remettre la nature en ville ? Chiche ! Mais laissons plus de liberté aux acteurs pour repenser l’usage des parkings (qui se vident) et des toits (qui sont une des ressources les moins utilisées en France). Vive l’urbanisme concerté efficacement lors de rencontres régulières et informelles entre opérateurs et services instructeurs ! Rendre la ville plus inclusive ? Chiche ! Nous croyons dans les vertus du logement social et du logement intermédiaire et nous sommes prêts à en produire massivement. Nous sommes même prêts à investir en R&D pour diminuer le coût de construction et d’exploitation des logements en contrepartie de certaines garanties de volume et d’une plus grande réactivité dans l’analyse des dossiers. Le défi du logement abordable passera par des aides publiques et des gains de productivité des acteurs privés.

Le sujet est complexe et l’équilibre est difficile à trouver. Le président de la République et la nouvelle ministre du Logement, Mme Wargon, devraient organiser dans les meilleurs délais une grande conférence dédiée au logement dans les métropoles, et jouer leur rôle de médiateur entre les différentes parties. Davantage d’exigences environnementales et sociales en contrepartie de procédures accélérées et de plus de liberté pour les opérateurs, voilà le chemin qu’il faut suivre. Et en plus, cela ne coûte rien, ni à l’État ni aux collectivités locales.

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