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Commerce, ce grand caméléon

© yanosh_nemesh / Adobe Stock

Et si le monde d’après, c’était celui du commerce physique ? La question pourrait paraître saugrenue, mais force est de constater que la réouverture des commerces jugés un peu rapidement « non essentiels » a été vécue comme un soulagement non seulement pour les commerçants eux-mêmes, pour leurs bailleurs également, mais aussi et surtout par les clients à en voir les files d’attente le week-end dernier. « On n’aurait jamais dû fermer les magasins qui ne sont pas des lieux de contaminations comme l’a reconnu un ministre », regrette le président du CNCC Jacques Ehrmann à notre micro lors du « Siec Live by BiTV ».

D’autant qu’il y a un magasin qui n’a pas fermé, lui, c’est Amazon. L’hostilité qui gonfle autour du géant du e-commerce révèle un débat de fond que le CNCC a soulevé depuis deux ans et demi autour des règles du jeu. « Il faut rétablir une concurrence loyale », plaide Jacques Ehrmann. Une équité fiscale entre le commerce physique, qui supporte 90 taxes et 50 Mds€ d’impôts et autres contributions, et le e-commerce où certaines plates-formes sont accusées de pratiquer de l’évasion fiscale en toute impunité. Une équité sociale. À chiffre d’affaires égal, une plate-forme de e-commerce emploie quatre fois moins de personnel. Une équité environnementale, enfin. L’exigence écologique réclamée aux uns leur est difficilement compréhensible face à la tolérance accordée aux autres.

La solution est simple. Les mêmes taxes pour tout le monde, que l’on soit un magasin ou un entrepôt. Ou encore une écocontribution pour les livraisons, s’inspirant du principe pollueur-payeur. Les arguments du CNCC sont rôdés. Ils doivent devenir audibles des pouvoirs publics qui restent toujours méfiants du monde du commerce, encore plus de ceux de l’immobilier.

Ce rééquilibrage des règles du jeu est un préalable à la mutation inévitable du commerce physique. Mutation à tous les étages accélérée par la crise. Dans le modèle financier des foncières qui découvrent que les loyers dus ne sont pas forcément payés, mettant à mal la pérennité et la prévisibilité des cash-flows. Dans le mix-merchandising des centres commerciaux qui devront se désintoxiquer du surpoids de l’équipement de la personne, ceux qui jusqu’à présent payent les loyers les plus élevés au mètre carré. Dans l’objet même de l’équipement commercial qui peut devenir – aujourd’hui, demain, après-demain ? – ici une base avancée logistique, là un morceau de quartier.

« Le commerce est un caméléon qui a toujours su s’adapter à son environnement », s’amuse Jacques Ehrmann. Et le caméléon n’entend pas céder à ses prédateurs.

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