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Point de vue de Gontran Thüring, délégué général Conseil national des centres commerciaux (CNCC)

Centres commerciaux : « Get woke, go broke ! »

© Dan Race / Adobe Stock

Depuis quelques temps, les centres commerciaux ont tendance à être stigmatisés par les élites de notre pays. Selon la doxa de rigueur, tout au moins dans certains cercles influents parisiens, ils auraient de nombreux défauts : ringardisation du modèle, artificialisation inutile et excessive des sols, (sur)consommation superflue, prédation des « petits commerces ». Bref, un concept né dans l’Ancien Monde que l’éveil de la conscience collective et l’apparition soudaine d’un nouveau virus condamneraient à la disparition, entraîné inexorablement dans un mouvement schumpétérien.

Qu’en est-il exactement ?

Dans les territoires, comme on dit aujourd’hui pour ne plus connoter négativement nos belles provinces de France, nos concitoyens demeurent très attachés à leurs centres commerciaux qui continuent à assumer une double fonction économique (offrir une quantité et une diversité de produits indispensables, mais également abordables) et sociale (fournir un lieu de rencontres intersectionnelles dont notre société, en voie « d’archipellisation », a tant besoin).

Le projet de loi qui fait suite à la CCC (Convention citoyenne pour le climat), pseudocénacle démocratique, prévoit d’en interdire quasiment de nouveaux développements. En revanche, aucun moratoire pour les entrepôts des « pure-players » de l’e-commerce dont la seule vertu est de s’inscrire dans le projet fantasmé de la « start-up nation », celle de consommateurs qui ne seront plus connectés au monde réel qu’à travers leurs écrans digitaux.

Depuis son apparition, le centre commercial a toujours accueilli des entrepreneurs du commerce : indépendants devenus succursalistes, franchisés et aujourd’hui DNVB (Digital Native Vertical Brands). Il est faux et indigne de le caricaturer en l’assimilant à un rassemblement d’enseignes internationales cotées.

Alors, tout irait pour le mieux dans le meilleur des nouveaux mondes ?

Bien sûr que non et le modèle du centre commercial ne survivra qu’en évoluant pour répondre à de nouveaux défis en s’attachant à développer :

  • son urbanité (il doit pratiquer une meilleure intégration dans son tissu urbain) ;
  • sa durabilité (il ne peut déroger à sa responsabilité sociale et environnementale) ;
  • sa multifonctionnalité (il lui faut répondre à la problématique de la « ville du quart d’heure ») ;
  • son omnicananalité (il n’a d’autre choix que de s’adapter à un distributeur et à un consommateur devenus irrémédiablement des adeptes du « click and mortar »).

En condamnant intellectuellement les centres commerciaux, la « woke culture » risque de les condamner physiquement et mettre ainsi en danger un écosystème de propriétaires, gestionnaires, locataires et prestataires qui génère plus de 30 Mds€ de recettes fiscales par an et assure 600 000 emplois, par nature non délocalisables.

Oui, les centres commerciaux sont « populaires » et n’ayons pas peur du mot « populistes » au sens noble de la « concept decency », terme emprunté à George Orwell, soit celui d’une morale commune selon laquelle le peuple affirme ses propres valeurs et sa résistance à l’oligarchie.