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Jérôme Le Grelle, CBRE France

N’enterrons pas trop vite le prêt-à-porter, il est en train de se retrousser les manches

© Tupungato / Adobe Stock

Il est des initiatives courageuses qui méritent d’être saluées, surtout quand elles relèvent d’une réflexion stratégique approfondie et cohérente. Comme chez Promod, enseigne de prêt-à-porter fondée en 1975 par Francis-Charles Pollet, dont le fils Julien est aujourd’hui aux commandes. 

Cette entreprise naguère florissante – jusqu’à 1 Md€ de chiffre d’affaires et 1000 magasins dans le monde – a été rattrapée comme tant d’autres par la faillite annoncée du commerce de masse, avec sa spirale mortifère de promotions qui dévorent les marges, sans parler des déboires à répétition qui ont nom grèves, Gilets jaunes et confinements. Rattrapée aussi par le changement de regard de la société sur la consommation. Comme le dit Julien Pollet, le retail de demain sera responsable ou ne sera pas.

Pour faire « pivoter son business model », Promod a choisi de repartir des fondamentaux de sa marque qui revendique d’authentiques qualités de produit et un style ne demandant qu’à s’affirmer. Progressivement, les collections intègrent plus de matières écoresponsables et l’affichent clairement, dans une communication refondue et largement digitalisée, qui cherche à créer, fidéliser et impliquer une communauté de clientes. 

Particulièrement intéressante est l’intégration du digital dans le modèle d’affaires : la communication en ligne est devenue le principal instrument de captation de parts de marché, puisque 60 % des achats faits en magasin ont été préparés sur internet. L’interaction continue avec la clientèle permet d’anticiper les ventes et de gérer les stocks au plus serré, jusqu’à une forme de production à la demande encore expérimentale. C’est aussi grâce à cette communication digitale que Promod entend convaincre ses clientes que la qualité a un prix (fini les promotions) afin de générer suffisamment de marge pour améliorer encore la qualité et produire de manière plus responsable. 

Le réseau, point fort ou talon d’Achille ?

Quid des magasins ? Le grand point fort de Promod, c’est son réseau historique, et particulièrement la qualité des emplacements. S’il ne reste plus aujourd’hui que 380 points de vente en France et en Europe francophone, afin de concentrer les moyens sur un parc raisonnable et garder de quoi financer les investissements de transition, le maillage place 80 % de la population française à moins de 15 minutes d’un magasin. Cela suffit à rendre attractive la livraison gratuite en magasin, où les vendeuses sauront accueillir la cliente, la conseiller, lui vendre des produits complémentaires et la voir repartir, satisfaite de ce contact humain qu’elle est précisément venue chercher.  

Il faut bien comprendre que ce pari audacieux repose sur un fragile équilibre. La stratégie capitalise les qualités historiques de l’enseigne : une marque qui a du potentiel, des clientes fidèles et un bon réseau. Mais ce dernier coûte extrêmement cher : stocks, loyers, personnel, tout cela réclame énormément de capital. Le rebond des ventes dopées par la communication de marque suffira-t-il à assurer l’équilibre du modèle ?

N’oublions pas ce point crucial : les magasins drainent proportionnellement de plus en plus de flux qualifiés et de moins en moins de flux de passage. Autrement dit, ils contribuent de plus en plus à la fidélisation, mais de moins en moins à la conquête de nouvelles clientes. 

Est-ce à dire que les bailleurs seraient avisés de revoir, eux aussi et sans tarder, leur propre modèle d’affaires ? Assurément s’ils veulent conserver des locataires capables de leur verser un loyer et participer, à leur niveau, à la refonte de plus en plus urgente du commerce.

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  • Personnes citées

    Julien Pollet

    Président - Directeur de la cellule innovation

    Promod

  • Sociétés citées

    Promod

    MARCQ-EN-BAROEUL CEDEX