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Manifeste pour une nouvelle mix(c)ité

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Diversité, pluralité, durabilité : telle est la nouvelle trilogie de la cité.

Diversité, car la filière immobilière n’est plus la caricature d’un cercle fermé de dirigeants masculins issus des mêmes cénacles. En moins d’une décennie, lentement, difficilement, mais profondément, notre industrie a gagné à se frotter à d’autres mondes, à s’encanailler auprès d’autres publics, à se mélanger à d’autres sphères. La construction urbaine n’est plus l’apanage des seuls spécialistes de la discipline. Elle agrège, dans un trio inédit, la puissance publique, les spécialistes immobiliers et les usagers donnant naissance à la ville plurielle.

Pluralité, car la fabrique de la ville ne se conjugue plus au tempo des quartiers d’affaires, des zones commerciales de périphéries ou des quartiers bourgeois résidentiels. Les besoins se mélangent, les fonctions se mixent pour accoucher d’un immobilier d’un nouveau genre. La ville n’est plus seulement une affaire de volumes, de construction, encore moins de mètres carrés. Alors qu’en 2021, les premiers opus mixtes sortent de terre en France, cette ville est avant tout question d’usages mêlés et entremêlés. Dans un maelstrom d’intervenants et de compétences qui donne parfois le tournis, l’immobilier s’est mué en une histoire d’hybridation(s).

Durabilité, car l’industrie urbaine ne pourra plus faire l’économie de l’action en faveur de son impact positif sur son environnement. La grande lame de fond bas carbone qui déferle en ordre dispersé sur l’immobilier annonce à tout le moins un changement de paradigme dans la valorisation de nos actifs et de nos acteurs. À l’heure où la loi Climat et résilience consacre le principe de zéro artificialisation nette, la réhabilitation prend le pas sur la construction, la reconversion sur la démolition, l’ancien sur le neuf. De nouveaux standards émergent. De nouveaux systèmes de valeur également. Résolument, la fabrique de la ville devient le manifeste d’une nouvelle mix(c)ité.

Voilà pourquoi l’industrie immobilière a tout à gagner à se décloisonner. En s’ouvrant, elle se donnerait les moyens de répondre à de multiples enjeux. À commencer par celui de la flexibilité où l’on demande à un secteur, habitué au temps long, de répondre quasi instantanément à une demande de plus en plus insaisissable. À l’heure du télétravail, l’immeuble de bureaux tel que nous le connaissons est sommé de s’adapter sous peine de disparaître. Avec la percée du e-commerce, le magasin craint de revenir à l’état primitif d’entrepôt où le chaland serait le cariste. Après avoir réinvesti de force leurs logements lors des confinements successifs, les Français se sont aperçus de l’exiguïté ou de l’inadéquation de leur logis. De même qu’ils ont redécouvert leur quartier, avec joie ou déception, au gré des limites de déplacement.

Sauf à vouloir décréter les usages de demain, les acteurs de la ville doivent se nourrir les uns avec les autres de ces signaux faibles pour anticiper. Ne serait-ce que pour éviter d’emmener des investisseurs, qui voient l’immobilier comme une valeur refuge, dans une impasse. La martingale d’hier peut rapidement devenir l’actif maudit de demain. Et vice versa. L’investisseur, particulier comme institutionnel, dont l’aversion au risque est souvent un axiome de sa stratégie, a une sainte horreur des modes qui se font et se défont. D’autant qu’en raison du défi climatique, nous entrons dans une époque de sobriété, choisie ou subie, qui ne permet plus l’erreur foncière, urbaine ou immobilière. Dès à présent, il est interdit de gâcher le moindre mètre carré !

Soit. Mais alors, comment ouvrir en grand les portes de ce vaste appartement qui symbolise une filière de plus de 2 millions d’emplois et 11 % du PIB ? Comment casser les cloisons sans travestir le plan initial et adresser les fonctions et usages essentiels ? Le premier réflexe consiste à organiser une mixité des fonctions. À l’échelle du bâtiment, elle reste rare ou limitée à une expression la plus souvent binaire. À l’échelle de la ville, elle se heurte encore à la spécialisation des fonctions, théorisée en 1933 déjà dans la charte d’Athènes, et devenue de façon assez opportune une spécialisation économique pour nombre d’investisseurs. Qui aura le courage de casser le quartier central des affaires pour en faire le quartier central des envies ? Le politique ? Le citoyen ? L’investisseur ?

Cette mixité ne sera pas possible sans un aggiornamento de la législation. Car le premier frein reste malheureusement réglementaire et fiscal. En théorie, il devrait être le plus facile à lever si l’on veut mettre en cohérence ses actes avec ses paroles. Et si l’on veut bien croire que la fonction première du politique est de permettre la vie de la cité.

Au-delà de la mixité des fonctions ou des usages, c’est aussi et surtout un nouveau rapport qui va s’instaurer entre les acteurs de la ville. Un « new deal » qui concerne aussi bien les partenariats à nouer entre les acteurs publics et privés, mais aussi les rapports entre les acteurs privés. Jean-Louis Missika, l’ancien adjoint à l’urbanisme à la mairie de Paris, avait effleuré ce « new deal » avec le premier concours Réinventer Paris, cassant les codes traditionnels de l’urbanisme, quitte à faire tiquer dans certaines chapelles. Pour que ce souffle ne se transforme pas en soufflé, il faudra commencer par livrer les promesses d’un concours avant de laisser le temps faire son œuvre.

La valeur reste la pierre d’achoppement de ce « new deal ». Mieux la répartir suppose d’abord de la créer. Sans tomber dans la défense ou l’attaque de la théorie du ruissellement, il serait bon d’étendre cette notion au-delà de sa seule acceptation économique et financière. La montée en puissance de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ne pourra qu’accélérer ce mouvement.

On dit volontiers qu’en France, il y a autant d’habitants que de sélectionneurs de l’équipe de football. Il en va de même pour la ville. Il n’y a pas de vision idéale ou idyllique du projet urbain, pas plus que de politique d’ailleurs, si ce n’est une série de compromis. L’immeuble n’est qu’un réceptacle de toutes ces conciliations. Décloisonner l’immobilier et la fabrique de la ville, c’est se donner la possibilité de réintroduire une ville désirable (et désirée). C’est la promesse de réconcilier le politique avec l’économique. C’est imaginer pouvoir casser l’image de rente qui colle à la peau de cette filière comme le sparadrap au doigt du capitaine Haddock.

S’il n’y avait qu’une mission qu’oserait revendiquer un groupe de presse professionnelle comme Business Immo au travers de la refonte de ses magazines, ce serait celle-là. Vous donner les clés de compréhension de votre environnement et l’envie de faire de vos idées des réalités. C’est toute l’ambition, l’audace et le pari de ce nouveau magazine augmenté : BIG. Business immo global.


Article issu du nouveau numéro de Business Immo Global.

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