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Jérôme Le Grelle, CBRE France

Ces trois qualités par lesquelles le changement se produit

© Natee Meepian / Adobe Stock

Les défis à relever par le commerce sont maintenant bien connus. Le commerce physique peut se renouveler en devenant omnicanal, en élevant son niveau de service et en ciblant précisément sa clientèle. En écho à cette modernisation, le centre commercial se doit de reconfigurer son offre en devenant plus sélectif dans son choix d’enseignes. Il doit aussi être plus ouvert, et aller chercher de nouvelles activités non concurrentes ou complémentaires du e-commerce et capables de refonder son attractivité.

C'est peu ou prou l'analyse que fait Altarea Commerce. En phase de lancement, la foncière vise  jusqu’à 5 % de baux dérogatoires inférieurs à 3 ans pour les petites surfaces et kiosques, pour des preneurs qui apportent une différenciation notable ou un service attractif, dans le domaine de la santé par exemple.  S’y ajoutent des mesures d’accompagnement, notamment une part élevée de loyer variable et la prise en charge d'une partie des travaux d'agencement des locaux. Cette évolution, loin d’être mineure, dénote trois qualités nécessaires pour s’adapter à un marché en mutation.

La première est la capacité d’analyse. Elle débouche ici sur le constat que les enseignes ne se transforment pas toutes à la même vitesse, quel que soit leur historique, que d’autres acteurs peuvent trouver du sens à être présents dans un centre commercial et que les clients n’en seront que plus nombreux. La deuxième qualité est l’adaptation créative. Ces preneurs atypiques doivent être « dénichés » en marge des filières habituelles de commercialisation et accompagnés dans leur projet. La troisième est l’acceptation du risque, puisqu’il s’agit souvent d’entreprises jeunes sinon naissantes, dont le succès n’est pas assuré.

Cela marchera-t-il ? Les premiers résultats sont très encourageants. Mais on voit surtout, à travers cet exemple, qu’une stratégie à laquelle il manquerait l’un de ces trois piliers – analyse, adaptation créative, prise de risque – ne pourrait pas fonctionner.

Ce qui vaut pour une foncière sur son marché vaut aussi pour chacun de ses actifs.

Dans une phase de mutation, analyser la valeur d’un actif à partir de paramètres en vigueur dans la période antérieure perd de sa pertinence. Ainsi, pendant longtemps, des baux de longue durée étaient garants pour les investisseurs de la sécurité des cash-flows et pour les enseignes de la valorisation des fonds de commerce. Le système était cohérent et fonctionnait. Mais alors que le contexte est durablement à l’adaptation agile des actifs d’exploitation, les engagements de longue durée peuvent être vus par les commerçants comme des privations d’opportunités. Chacun doit donc reconsidérer le risque pris dans ses engagements au regard de la valorisation de son actif. 

Le cas d’Altarea en offre la démonstration. En effet, la stratégie d’Altarea tendrait en apparence à dégrader la valeur de ses actifs – ne parlait-on pas jadis de baux précaires ? C’est pourtant l’inverse qu’il faut lire, à savoir une adaptation volontariste de l’actif à de nouvelles conditions de marché. Et le risque de rentabilité dégradée, d’ailleurs faible, car lissé par le grand nombre de preneurs (les succès équilibrant les échecs), est très inférieur à celui de l’inaction, qui conduirait inévitablement à une baisse de performance commerciale.

Enfin, pour que des changements de ce type se produisent, il faut d’abord que des hommes et des femmes s’en donnent la mission. Voilà pourquoi ce triptyque « analyse, adaptation créative, prise de risque » doit également devenir un mantra pour la constitution, la motivation des équipes et l’animation des projets. À l’heure où tant de repères disparaissent, où tant de choses doivent changer tandis que les structures établies poussent en sens contraire, où il faut faire plus avec moins, sortir du confort de la réflexion en silo, il y a là un chantier à ne pas négliger.

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