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Par Sébastien Daguenet, Invesco Real Estate, et Charles Moussier, Invesco

Les assureurs ont tout intérêt à poursuivre le rééquilibrage de leurs portefeuilles vers l’immobilier

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Dans un environnement obligataire morose, l’immobilier offre aux compagnies d’assurance des opportunités de diversification dans leurs allocations d’actifs grâce à un couple rendement/risque potentiellement attractif dans la conjoncture monétaire actuelle.

Faut-il le rappeler, la politique de taux bas – voire négatifs – et de rachats massifs d’actifs menée par les banques centrales a eu cette dernière décennie un véritable impact sur la stratégie d’investissement des investisseurs institutionnels européens. À ce contexte s’est ajoutée une pression réglementaire accrue (via Solvabilité 2 et Bâle 3 notamment), avec des conséquences importantes en termes d’allocation d’actifs et d’utilisation des fonds propres.

Une des conséquences de ces évolutions réglementaires a été un recul de la part de marché des banques dans le domaine du financement de l’immobilier commercial, compensé par une montée en puissance des compagnies d’assurance. Pour autant, la part de l’immobilier dans le bilan des assureurs européens reste contenue, hormis au Benelux, surtout en comparaison des autres actifs, obligations en premier lieu. Pourtant l’exigence de capitaux propres requis pour les actifs immobiliers (SCR Immobilier) est plus favorable (25 %) que celui requis pour les actions (39 %). Par ailleurs, la dette immobilière commerciale bénéficie d’un traitement réglementaire comparable, voire avantageux, par rapport aux obligations qui constituent la majeure partie des bilans assurantiels. En raison de ces avantages réglementaires et de l’apport en diversification et en rendement de cette classe d’actifs, nous nous attendons à un phénomène de rattrapage de l’immobilier dans les portefeuilles des assureurs.

L’immobilier peut offrir un rendement attractif dans l’environnement actuel 

Les chiffres d’Invesco et de RCA pour le premier semestre 2021 montrent que le rendement moyen de l’immobilier « prime » en Europe continentale ressort à 4,5 %. Selon CBRE par ailleurs, la prime offerte par les actifs de bureaux « secondaires » et de commerce s’élève respectivement à environ 150 et 200 points de base par rapport aux actifs « prime », des niveaux de rendement finalement relativement semblables à ceux des trois années précédentes.

De manière générale, selon nous l’immobilier européen propose des rendements attractifs et des niveaux de valorisation de certains segments de marché plus spécifiques qui peuvent aujourd’hui constituer des points d’entrée particulièrement intéressants par rapport à d’autres classes d’actifs. Les compagnies d’assurance se tournent donc de plus en plus vers le marché immobilier, qui offre une grande diversité de sous-jacents et de moyens d’accès, du plus liquide (les fonds cotés) au moins liquide (les investissements directs, fonds fermés etc.). Certaines compagnies d’assurance vont même jusqu’à proposer directement des prêts immobiliers à leurs assurés afin d’accroître leur exposition.

Liquidité et diversification comme maîtres-mots

L’intérêt des assureurs pour l’immobilier ne date pas d’hier, mais celui-ci a évolué dans le temps. Les assureurs français ont par exemple investi dans les années 1990 dans l’immobilier résidentiel et le commerce. Mais ils ont ensuite été moins actifs sur le marché résidentiel. Plus récemment, ils se sont diversifiés au profit de la dette immobilière. De nos jours, l’immobilier représente aussi une part grandissante de l’offre en unités de compte, ce qui permet aux assureurs de réduire d’autant plus leurs besoins en fonds propres pour cette classe d’actifs.

La première des leçons tirées du passé concerne la concentration des risques en immobilier : les portefeuilles ont tendance à contenir 5 à 10 % en immobilier principalement détenus en propre et domestique, concentré sur le marché parisien. Afin d’atténuer une surexposition à ce marché, les assureurs ont tendance à financer des parties plus seniors dans la structure du capital, c’est-à-dire en dette. La dette privée senior adossée à des actifs immobiliers est ainsi un actif toujours plus recherché pour diversifier les portefeuilles de dette privée. Afin de compenser la faiblesse des rendements offerts par ce segment, s’intéresser aux prêts de type unitranche, mezzanine ou sur des actifs en développement nous semblent aujourd’hui particulièrement intéressants.

Une deuxième leçon a trait à la gestion du risque de liquidité des investissements, en fonction de la taille des bâtiments, ou de leur emplacement géographique. Si une approche granulaire est nécessaire pour se concentrer davantage sur des quartiers porteurs, une diversification s’impose dans tous les cas, tant géographiquement que sectoriellement, afin d’accompagner les évolutions de la demande et garantir une meilleure liquidité globale.

Innover pour profiter de la hausse des marchés immobiliers

Nous pensons que la solution la plus efficiente pour gérer tous les défis que soulèvent les investissements en immobilier pour les assureurs (capital, volatilité, risque de concentration et de liquidité) réside dans leur capacité à mettre en place des plateformes en architecture ouverte. Fédérer un panel d’investisseurs institutionnels de premier rang autour de projets immobiliers communs permet d’élargir le périmètre géographique, la taille des projets et cette nécessaire diversification. Ces structures semblent les plus à même de profiter des nombreuses opportunités immobilières, prometteuses de revenus récurrents et stables pour les assureurs.

Cela peut ainsi passer par la mise en place de fonds, soit solidement diversifiés géographiquement et sectoriellement, soit dédiés à une stratégie plus spécifique comme le résidentiel ou l’hôtellerie afin de compléter plus précisément une allocation existante. Dans tous les cas, une expertise locale et une approche granulaire nous semblent nécessaires pour identifier les opportunités en mesure d’accompagner les évolutions de la demande locative propres à chaque secteur.

Cette mutualisation de moyens permet également, selon nous, la mise en œuvre de stratégies durables ambitieuses, l’immobilier se prêtant particulièrement bien à la prise en compte du risque climatique et à la mise en place d’outils de mesure et d’impact pour améliorer la performance ESG (Environnement, Social, Gouvernance) des actifs.

Avertissements concernant les risques  

La valeur des investissements et les revenus vont fluctuer, ce qui peut en partie être le résultat des fluctuations de taux de change et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant total de leurs investissements initiaux. Les performances passées ne sauraient présager des performances futures.

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