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Chronique d’un déraillement annoncé

© Gewoldi / Adobe Stock

Finalement, ils ont réussi. L’addition de polémiques autour du projet de rénovation de la gare du Nord aura finalement tué dans l’œuf ce qui s’annonçait comme l’une des portes d’entrée de la capitale – une vitrine pour certains – du génie urbain à la française.

Le challenge était osé, certes. Au-delà de la polémique sur le nombre de mètres carrés dédiés au commerce, l’échec de ce projet interroge sur la capacité des acteurs, de tous les acteurs, à travailler de concert sur l’immense défi qui les attend dans les prochaines décennies : reconstruire la ville sur la ville.

D’abord, le défi de la loyauté. Elle est fondamentale dans les affaires. Elle est nécessaire dans la société. Ici, chacun se rejette la faute. Ceetrus accuse la SNCF de « rupture unilatérale », son PDG, Antoine Grolin, rappelant que les équipes de Gares & Connexion, actionnaire de StatioNord, « sont bien au fait de tout ce qu’il se passe, tout est en transparence ». De son côté, le groupe ferroviaire argue d’une explosion des coûts et des délais pour justifier sa décision de casser le contrat de concession.

Les délais, parlons-en. Tous les projets urbains initiés depuis des années semblent avoir la même date de bouclage : l’été 2024 et les Jeux olympiques. Il en va des futures lignes du Grand Paris Express comme de la restauration de Notre-Dame de Paris. Mais pourquoi l’avenir de telles infrastructures ou le calendrier de la renaissance d’un tel trésor national serait lié à 15 jours de compétition sportive en plein mois d’août ? Dès le départ, le planning imposé interrogeait sur la capacité à délivrer un tel opus en temps et en heure. Pas seulement parce que l’opérateur choisi à l’issue d’un appel d’offres était novice en la matière. Mais surtout parce que l’amoncellement de normes dans le droit de l’urbanisme et l’émiettement des centres de décision rend la mission impossible. Il suffit de regarder l’incessante bataille judiciaire que mène la Solideo pour sortir les équipements minimums pour les JO, et ce en dépit de procédures accélérées dans l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Enfin, se pose la question des moyens. Le projet de rénovation de la gare du Nord s’affranchissait de tous concours de financement public dans un contexte ante-Covid où la notion du « quoi qu’il en coûte » n’existait pas. Des voix se sont élevées contre une possible privatisation de la fabrique de la ville. Avec de solides arguments. D’autres leur ont répondu sur la nécessité de refondre le pacte entre les politiques, responsables au premier chef de la vie de la cité, et les acteurs privés qui se proposent de la construire… à condition d’en dégager un bénéfice.

En attendant de réconcilier les partisans de chaque camp, l’échec du projet de rénovation de la gare du Nord sonne comme un nouveau coup de canif dans ce pacte qui, s’il veut un jour prospérer, doit reposer sur une confiance mutuelle.

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