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Point de vue de Nicolas Yiri, agent immobilier Congo-Brazzaville/Sénégal, animateur d’un Observatoire régional immobilier francophone africain (Orifa)

L’immobilier en Afrique, les défis de la formation

© Adobe Stock / LuckyStep

Il semble peu utile d’insister sur le potentiel économique – sous-exploité ou mal exploité, c’est selon – du continent africain, ce n’est pas ici notre propos. Dans notre première chronique, nous nous étions livrés à un parallèle entre la situation des marchés immobiliers africains d’aujourd’hui avec ce qu’avait pu connaître la France, pour ses marchés immobiliers, au cours des 60 dernières années. Si comparaison ne vaut pas raison, il n’est pas non plus inutile de tirer d’expériences exogènes des enseignements qui permettent d’accélérer développements et prise de conscience et d’éviter des errements qui freinent ceux-ci. L’instabilité politique que connaissent certains pays ne doit pas faire oublier que les fondements technostructurels des États africains, anglophones comme francophones, existent et ne demandant qu’à se renforcer. Cela est souvent difficile faute de moyens, mais les architectures administratives, sécuritaires, médicales ou éducatives qui ont été mis en place en d’autres temps ont, peu ou prou, subsisté.

Si dans les pays anglophones du continent il n’est pas rare de croiser des Chartered Surveyors qui officient avec les mêmes méthodes et règles que leurs collègues britanniques, la situation des pays francophones est plus hétérogène.

Elle est en grande partie le reflet de la situation de la puissance coloniale à l’époque (France, Belgique, Italie ou Allemagne, par exemple) où les métiers de l’immobilier, particulièrement ceux de la transaction, n’étaient pas aussi organisés que leurs homologues britanniques au même moment, et donc, ont été reproduits sur les territoires ayant le franc (pour les départements) ou le franc CFA (pour les autres territoires) comme devises communes.

L’Afrique du Nord est un peu mieux lotie aujourd’hui que l’Afrique subsaharienne, des écoles françaises, y compris orientées vers les métiers de l’immobilier, ont ouvert des établissements secondaires proposant formations et certifications équivalentes à ce qu’elles offrent en métropole. C’est évidemment une chance pour ses pays du Maghreb qui disposent d’une jeunesse formée même si, hélas, elle ne trouve pas toujours dans son pays d’origine les débouchés qu’elle est en droit d’attendre et traverse donc la Méditerranée pour cela.

Pour les autres nations, les exemples de la Côte d’Ivoire et du Sénégal devraient être inspirants.

L’École supérieure des professions immobilières (Espi) française dispose d’un partenaire local avec une Espi ivoirienne permettant la formation de professionnels immobiliers sur le modèle de ce qui se fait en France.  De même, l’Institut Ethsun, en partenariat avec la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal, a mis en place une université de l’immobilier en Côte d’Ivoire sous la forme de deux journées de formation destinées aux acteurs de l’industrie immobilière ivoirienne.

Le Sénégal dispose lui aussi d’un cursus dédié avec une école supérieure de l’immobilier « SupImmo » proposant des formations de type masters 1 et 2 et préparant aux métiers de l’immobilier tels qu’agent, administrateur de biens, syndic de copropriété, expert… avec un corps professoral composé essentiellement de professionnels (avocats, notaires, géomètres…) offrant une grande similitude avec ce qui est proposé en France.

Ces exemples doivent, espérons-le, se généraliser et être couplés avec des formations professionnelles continues assurant la mise à niveau régulière des professionnels intervenant sur le secteur de l’immobilier. Les moyens modernes de communication permettent de suivre des sessions dispensées en France, il serait bon que des offres locales de qualité puissent elles aussi se développer. Des professionnels qualifiés et bien formés ne sont pas seulement des interlocuteurs crédibles pour les sociétés qui veulent investir ou intervenir dans les domaines immobiliers en Afrique, ils sont aussi les fondations sur lesquelles peuvent se développer des entreprises locales performantes participant à la création de richesses pour les pays dans lesquels elles interviennent. Il a fallu plusieurs décennies à la France pour créer réglementations des professions, formations et diplômes. Il convient de ne pas être trop pessimiste et d’y voir un encouragement à relever ce défi de la formation.

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