Tourner à gauche. Emprunter les escaliers. Prendre la deuxième à droite. Raté. L’immeuble devait se trouver là, juste devant… La Défense existe depuis plus de 100 ans. Des milliers d’ingénieurs et d’urbanistes se sont acharnés à la transformer, à la végétaliser, à en faire une référence sur le plan environnemental, à la rendre jolie… Des milliers ! Mais pas un seul n’a réussi à empêcher les gens de s’y perdre.
À moins que ce ne soit fait à dessein : le chemin le plus long entre le point A et le point B pour faire découvrir le quartier. Le Corbusier serait Dédale, La Défense le labyrinthe et chaque visiteur, un Thésée sans Ariane.
Je ne suis pas complètement perdu. J’aperçois au loin le parc de l’esplanade de La Défense. Des gens déjeunent sous les arbres, d’autres sont installés aux terrasses des nombreux restaurants qui jalonnent le jardin. L’absence de voitures me rappelle un peu Venise. Je n’entends que le brouhaha joyeux d’une foule dispersée en petits groupes.
Mon air un peu perdu émeut un jogger qui sautille en me demandant ce que je cherche. Il ne connaît malheureusement pas mon lieu de destination, mais me souhaite bonne chance…
Je m’abrite quelques instants du soleil, à l’ombre d’une sculpture monumentale d’où s’échappent quelques volutes d’une brume rafraîchissante. Il ne s’agit pas d’une œuvre d’art, mais d’un système de lutte contre la chaleur ambiante. Nos étés sont en effet de plus en plus chauds. Je lève le nez vers le sommet des tours. Elles sont toutes différentes : certaines en bois, d’autres en béton, des formes oblongues ou des lignes droites. J’aperçois des arbres qui ondulent sur leur toit. Des terrasses filent le long des façades et de grandes grappes de végétation se déversent des balcons. Le vert et le verre s’entremêlent.Une musique résonne au loin, glisse sur les bosquets et les bassins, et met un terme à ma rêverie. Il est vrai que le temps presse. Je décide de me rapprocher de la Grande Arche en espérant y trouver mon chemin. Le festival de jazz rythme mon parcours. La musique se fait plus forte à mesure de ma progression. Des rires s’échappent des terrains de pétanques où des gens de tous âges se sont donné rendez-vous. On pourrait être dans le Sud, à quelques détails près. Il faudrait pour cela troquer le costume pour un bermuda et parsemer le français de quelques accents méridionaux. Un bambin se faufile devant mes pieds sous l’hilarité des boulistes, emportant avec lui le cochonnet d’une partie qui ne tournait visiblement pas en sa faveur.
Un peu plus haut, je croise une jeune femme sur son vélo électrique, tractant une petite charrette de paquets. Une livreuse ! Elle connaît forcément le quartier dans ses moindres recoins. Elle s’arrête. Mon immeuble ne lui est pas inconnu puisque c’est justement sa destination. Après quelques refus polis, j’accepte finalement une petite place à l’arrière et m’assieds en tailleur entre quelques colis. Je ris de la situation. Je me rappellerai longtemps mon premier jour à La Défense.
Arrivé à bon port, je la remercie et avant de la quitter, lui demande son prénom : Ariane, évidemment…
Pierre-Yves Guice
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Pierre-Yves Guice a débuté sa carrière aux ministères du Logement puis de l’Écologie avant de rejoindre en 2010 l’Établissement public d’aménagement Bordeaux-Euratlantique en qualité de secrétaire général. En 2011, il est nommé directeur du développement et de l’immobilier au sein de l’Établissement public d’aménagement universitaire de la Région Île-de-France, puis prend la fonction de directeur général adjoint des services du département des Hauts-de-Seine. Fin 2020, il devient directeur général de Paris La Défense. La structure s’est dotée en octobre 2021 d’une raison d’être visant à transformer le territoire et à en faire le premier quartier d’affaires post-carbone de dimension mondiale. Cette nouvelle vision place les enjeux environnementaux, l’amélioration du cadre et de la qualité de vie au cœur de la stratégie de développement territorial.
Article issu du numéro 180 de Business Immo Global.
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