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Par Rachel Struk et Benoit Glin, Bartle

Bureau de demain : qui va payer l’addition ?

© Frank Boston / Fotolia

Le sujet du bureau de demain aura fait couler beaucoup d’encre depuis l’annonce du premier confinement. Il est aujourd’hui évident que la crise a bousculé nos habitudes et obligé les entreprises à repenser leurs modes de travail. Deux questions majeures sont apparues dans le milieu des directions immobilières : que faire des mètres carrés de bureau en partie inutilisés par l’essor du télétravail ? Comment remotiver les collaborateurs à venir physiquement au bureau ?

Et elles sont légitimes : la première répond à l’idée répandue que l’immobilier est généralement le premier actif au bilan des entreprises et leur deuxième poste de dépenses (1). La seconde fait écho au fait que 88 % (2) des salariés souhaitent désormais avoir le choix quant à la façon dont ils vont utiliser les espaces de bureau, le tout en prenant en compte la nouvelle variable qu’est le télétravail. Ils sont même 46 % (3) à attendre de leur entreprise qu’elle développe des solutions alternatives aux espaces traditionnels.

Le bureau n’est pas mort, certes, mais il se doit d’évoluer fortement pour répondre aux nouvelles attentes des collaborateurs. Autrefois simples utilisateurs des espaces de bureaux, ces derniers se positionnent de plus en plus en tant que « consommateurs », que l’entreprise doit séduire et fidéliser.

Pour être efficace et pérenne, cette évolution nécessitera forcément des investissements importants. Les différents acteurs intervenant tout au long de la chaîne de l’immobilier devront donc trouver un terrain d’entente sur leur financement et donc sur qui paiera l’addition à la fin ?  

Des investissements, mais pour quoi ?

S’il est difficile de définir de façon précise les contours du bureau de demain, il est possible toutefois de parier que celui-ci reposera sur trois piliers :

La flexibilité : d’abord celle du bâtiment : les tendances à la restructuration et à la réversibilité des bâtiments feront que le bureau aura demain plusieurs usages et visages dans sa vie. Puis celle du mobilier : l’essor du flex office, dont 55 % des entreprises interrogées (4) se disent prêtes à déployer, va créer plus de liberté dans les aménagements. Et enfin celle des contrats : la crise a démontré l’importance de garder une flexibilité sur les baux : les baux court terme ont le vent en poupe, l’offre grise, c’est-à-dire de sous-location, a elle aussi augmenté de 26 % au T4 2020 (5) : demain, il sera envisageable d’avoir une partie de mètres carrés « sécurisée », c’est-à-dire en propriété ou en bail neuf ans, entourée d’un écosystème de lieux en baux courts termes dans une logique de portefeuille.

Le serviciel : le bureau devra se réenchanter en termes d’architecture, de services aux collaborateurs et de restauration, le tout dans une logique presque hôtelière afin de renforcer l’attractivité des lieux et leur capacité à créer des échanges entre collaborateurs, car pour 55 % d’entre eux la sociabilisation reste leur première motivation à revenir au bureau (6).

La suppression de la frontière digital/physique : la prolongation du télétravail dans des moyennes de un à trois jours par semaine selon les entreprises continuera de bousculer nos habitudes de réunion. Le bureau de demain devra contribuer à effacer les frontières entre présence physique et à distance.

Des investissements, mais par qui ?

Les acteurs intervenant sur la chaîne de valeur de l’immobilier sont multiples. D’une part nous avons les utilisateurs (les directions immobilières et ressources humaines, par exemple), dont l’objectif est de développer l’engagement et la fidélisation des collaborateurs entre autres par le bureau ; d’autre part, les « prestataires de services » (property & building managers, acteurs de coworking, asset managers, etc.) qui doivent répondre aux attentes de nouveaux services émises par les utilisateurs tout en respectant lorsque nécessaire les conditions notamment financières du dernier type d’acteurs : les propriétaires (foncières, investisseurs, etc.).

Finalement qui sortira le porte-monnaie ?

Il existe une asymétrie des enjeux de ces trois typologies d’acteurs, qui pourrait faire croire à une situation bloquée dans une négociation sans fin. Néanmoins une porte de salut se dessine via la mise en place d’un cercle vertueux nous menant au bureau de demain et qui dépend d’un facteur clé : l’évolution des critères de valorisation.

La crise a démontré que lorsque le marché est contraint, les investisseurs se concentrent soit sur des actifs prime positionnés au-delà des standards du marché, soit sur des actifs devant être totalement restructurés avec une optique de plus-value. Ces standards savent évoluer dans le temps et plus récemment l’aspect environnemental a connu un franc succès, et pour cause nous assistons aujourd’hui à une course aux labels : Breeam, Leed, HQE, Well, dont plus de 3 000 ont été délivrés sur le marché tertiaire européen en 2019 (7).

Il est donc tout à fait imaginable que les trois types de critères cités précédemment puissent demain apparaître comme les nouveaux standards du marché pour contribuer à définir la valeur d’un actif tertiaire.

À partir de ce moment-là, les investisseurs pousseront les prestataires de service à développer de nouvelles innovations renforçant la flexibilité, le serviciel et la digitalisation des bureaux, à les proposer aux utilisateurs finaux qui les testeront, les industrialiseront et qui viendront in fine améliorer la valorisation de l’actif.

C’est ce cercle vertueux qui permettra de répondre à la question de qui paie l’addition : finalement ce sont les biens investisseurs et propriétaires qui porteront les coûts, mais dans une optique d’amélioration de la valeur de l’actif et donc de plus-value à long terme.


(1) Ingrid Nappi-Choulet, « Quand l’immobilier d’entreprise devient stratégique ».

(2) Étude Cisco 2020.

(3) Étude OpinionWay pour Covivio.

(4) Étude Dekseo mars 2021 https://www.deskeo.com/blog/sondage-flex-office/

(5) Étude JLL - https://www.jll.fr/fr/espace-presse/chiffres-marche-immobilier-bureaux-2020

(6) Étude Paris Workplace 2020.

(7) Baromètre de la certification environmmentale 2020 (https://www.urban-chronicles.com/barometre-de-la-certification-environnementale-2020/)

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