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Par José-Luis Pellicer, Global Head of Investment Strategy and Research, M&G Real Estate

Mobilis immobilier

Imaginez que nous sommes en 2032. La décennie précédente a été marquée par une crise sanitaire inédite qui a fortement affecté les marchés immobiliers. Quelles tendances les investisseurs institutionnels suivent-ils pour la constitution de leurs portefeuilles ?

© Sergey Nivens / Adobe Stock

La crise sanitaire de 2020 a entraîné quelques changements durables, mais a également déclenché quelques appréhensions qui ne se sont pas tout à fait matérialisées. Vous vous souvenez peut-être des craintes d’inflation de 2022-23. Pourtant, après 2024, l’inflation est revenue aux niveaux plus « normaux » attendus dans une société où la population est vieillissante, la croissance de la productivité faible et connaissant une stagnation séculaire. C’était évident. Lorsque les gens ont recommencé à voyager et à profiter de la vie, leur appétit pour les biens s’est calmé. Les restaurants ont repris une place importante, les problèmes de chaîne d’approvisionnement se sont estompés et les goulets d’étranglement se sont dissipés, entraînant une baisse de l’inflation.

En revanche, les prix de l’énergie n’ont pas baissé. Nous avons entamé une transition vers les énergies renouvelables, bien que les investissements importants dans ce domaine, principalement en Europe et en Chine, n’aient pas atteint le niveau requis pour que l’électrification devienne généralisée. Nous avons encore besoin de pétrole et de gaz aujourd’hui, mais avec peu d’investissements dans les combustibles fossiles et des progrès lents dans les énergies renouvelables, les prix sont élevés en 2032.   

Au début des années 2020, on parlait dans l’immobilier de la montée des secteurs alternatifs. Le bureau et le commerce suscitaient la nervosité, les actifs résidentiels et logistiques l’enthousiasme, et les portefeuilles devaient s’ouvrir à l’immobilier géré. Le logement étudiant sur mesure a été le premier succès dans les années 2010, mais certains sous-secteurs alternatifs ont mûri plus que d’autres. La clé du succès dans les années 2020 a résidé dans l’identification de besoins chroniques liés à une demande relativement inélastique, comme les logements étudiants et build-to-rent. En revanche, les secteurs de l’éducation, des sciences de la vie et des hôpitaux sont demeurés des niches.

À ce titre, le secteur résidentiel privé a décollé en raison d’un manque d’offre de qualité et de la hausse des prix. Mais, alors que les logements locatifs de haute catégorie se multipliaient parmi les classes moyennes, il en est allé de même pour les logements sociaux. Cela peut paraître évident aujourd’hui, mais personne en 2019 n’aurait prédit que ceux-ci intégreraient autant les portefeuilles immobiliers institutionnels.

Alors que de plus en plus d’entreprises s’engageaient à atteindre le niveau net zéro carbone  d’ici 2050, l’un des problèmes qui est apparu très rapidement était justement l’empreinte carbone. Le moyen le plus simple d’y remédier était la compensation, ouvrant la voie à une croissance substantielle du secteur forestier à la fin des années 2020, notamment dans des pays comme la Finlande, l’Écosse et la Roumanie. Certains parlent même d’une bulle.

Pour en revenir au bureau, durant les années Covid, la crainte de la « mort du bureau » était largement répandue. Mais au final, la plupart des salariés sont encore venus au bureau deux à trois jours par semaine. Certaines entreprises ont rationalisé leur utilisation, mais peu d’entre elles ont pu se permettre de réduire leur empreinte de plus de 20 %. De fait, le parc occupé à Paris en 2032 est similaire aux niveaux de 2022.

Et enfin, le commerce. Le secteur a subi sa pire crise en 2020, mais certains sous-secteurs ont prospéré durant la période post-pandémique. Y a-t-il quelque chose de mieux que la thérapie par le commerce ? Les centres commerciaux dominants, les artères « prime » et les magasins de proximité/alimentaires en ont été les bénéficiaires. En 2032, le secteur, autrefois puissant, occupe toujours à juste titre une place dans les portefeuilles des investisseurs, mais il n’est plus que l’ombre de ce qu’il était.

Alors, où cela nous mène-t-il ? Les bureaux restent un secteur clé, mais leur exposition dans les portefeuilles dépasse-t-elle les 35 % ? Le commerce semble s’être stabilisé autour de 10 et 15 %, et la logistique autour de 30 %. Les secteurs résidentiels sont maintenant autour de 20 % ou plus, et la sylviculture est un secteur en plein essor. L’environnement a changé ; les portefeuilles sont différents, mais les humains restent des humains et la mentalité de troupeau demeure.


Article issu du numéro 183 de Business Immo Global.

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