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Par Virginie Wallut, La Française

Mesurer pour comprendre, comprendre pour agir efficacement, agir pour préserver la valeur

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Le secteur du bâtiment est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne. Il est donc urgent d’agir. Sous la pression des investisseurs, des utilisateurs et des nouvelles réglementations, la décarbonation des portefeuilles immobiliers doit s’accélérer. Pour y parvenir, les propriétaires d’actifs immobiliers doivent mettre en place les outils qui permettent de mesurer pour comprendre, pour agir efficacement et, in fine, pour préserver la valeur des actifs en plus de lutter contre le réchauffement climatique.

Mesurer pour comprendre

L’analyse des caractéristiques techniques des bâtiments permet d’estimer des consommations théoriques, qui doivent impérativement être validées par un suivi des consommations réelles du patrimoine. La réduction des consommations d’énergie et des émissions de CO2 est l’affaire de tous et ne peut se faire qu’en étroite collaboration entre propriétaires et locataires.

La réalisation d’un audit énergétique couplé à un suivi des consommations est un préalable indispensable à une gestion des énergies efficace. Cette gestion permet d’identifier les leviers d’amélioration énergétique, de constater l’impact des actions d’exploitation et d’ancrer la progression de l’efficience énergétique des bâtiments dans la durée.

En phase de sélection, La Française REM audite les caractéristiques durables de l’ensemble de ses investissements potentiels en portant une attention particulière aux performances énergétique et environnementale. La réalisation de l’D2CAR avant la signature de la promesse d’achat est essentielle. Il est ainsi possible d’inclure le coût des éventuels capex nécessaires à la progression des caractéristiques durables des actifs dans les business plans et ainsi de refléter dans les prix proposés un « green  premium » ou un « brown  discount ».

En phase d’exploitation, La Française déploie des outils de suivi. Un premier partenariat a été noué avec des opérateurs pour pouvoir analyser des données factures. Ce type de solution permet d’identifier les bâtiments les plus consommateurs et de prioriser les actions. Pour les bâtiments plus importants ou plus consommateurs, sans que l’on puisse expliquer les consommations par les caractéristiques du bâti, La Française REM procède à l’instrumentation du bâtiment, qui permet de suivre les consommations en temps réel et d’identifier en temps réel les pics et les dérives de consommation.

Croiser différentes données, énergétiques et bâtimentaires, ouvre une voie réaliste pour élaborer des plans d’actions compatibles avec l’atteinte d’objectifs. Ces objectifs doivent être clairs et être communiqués de manière transparente afin d’éviter tout risque de « greenwashing ».

Agir efficacement

La Française REM entend lutter contre le réchauffement climatique en fixant à la majorité des portefeuilles immobiliers qu’elle gère des objectifs de réduction des émissions de CO2 compatibles avec l’Accord de Paris. Pour cela, la société de gestion utilise la trajectoire de décarbonation développée par le CRREM (Carbon Risk Real Estate Monitor) pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°.

Les « budgets carbone » globaux utilisés par le CRREM ont été sélectionnés en accord avec les objectifs de la COP21, soit le scénario de Rockström et al. (2017) pour l’objectif 1,5°C (669 GtCO2e pour 2019- 2050). Sur ce scénario carbone ont ensuite été effectuées des réductions d’échelle en suivant le cadre méthodologique des Sectoral Decarbonaisation Approach (SDA) développé par l’initiative SBT. Dans l’ordre, c’est d’abord une réduction à l’échelle du secteur immobilier européen, puis de celui-ci à l’échelle de chaque pays de l’UE et enfin une réduction à l’échelle de chaque bâtiment en considérant leurs différents types. Ainsi, les efforts à fournir pour parvenir à atteindre l’objectif 1,5° varient en fonction du pays et de la typologie de l’actif concerné. Ils seront d’autant plus importants que le mix énergétique du pays est carboné et que la typologie d’actifs est énergivore. À titre d’exemple, les bureaux en Allemagne devront réduire leurs émissions moyennes de 86,3 kgeqCO2/m²/an en 2020 à 2,8 kgeqCO2/m²/an en 2050 alors que les actifs logistiques en France devront réduire leurs émissions moyennes de 12,8 kgeqCO2/m²/an en 2020 à 1,2 kgeqCO2/m²/an en 2050.

L’indicateur majeur du CRREM est l’apparition d’un « point de bascule » qui correspond au point où les valeurs seuils d’émissions de gaz à effet de serre (GES) deviennent plus exigeants que les émissions réelles du bâtiment. Le bâtiment est alors en surémissions de GES, c’est-à-dire en « obsolescence » environnementale. Ce point de bascule donne une date à partir de laquelle les émissions de GES du bâtiment deviennent un coût environnemental.

La trajectoire des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment est représentée sur le graphique 3 comme une donnée constante dans le temps alors qu’il appartient au gestionnaire d’actifs de faire progresser cette trajectoire au moyen de plans d’actions adéquats. Pour cela, ces plans d’actions doivent (i) décarboner ses sources d’énergie et (ii) améliorer l’efficacité énergétique de ses bâtiments.

À court terme, le gestionnaire d’actifs peut recourir à des sources d’énergie moins émissives. Les gains obtenus varient en fonction des pays. Ainsi, passer d’un approvisionnement d’électricité classique à une électricité de source hydraulique permettra de diviser par dix les émissions de CO2 issues de l’exploitation d’un bâtiment en France et par 80 en Allemagne.

À moyen terme, dans la mesure où les usages sont à l’origine de la majorité des gaspillages énergétiques, le gestionnaire d’actifs devra fédérer locataires et mainteneurs autour de sa démarche afin d’optimiser la gestion énergétique de son parc. À titre d’exemple, l’instrumentation d’un bâtiment, qui permettra une analyse de la répartition des consommations plus précises et donc une analyse des postes où les gains seront les plus importants, permet une optimisation de la gestion de l’énergie pouvant se traduire par une progression de la performance environnementale de l’ordre de 10 %.

À long terme le gestionnaire doit mettre en place des travaux de rénovation énergétique adaptés à chaque bâtiment. Par exemple, le « relamping » (remplacement du système d'éclairage par un dispositif plus économe en énergie) total d’un actif en LED permet de réduire les émissions de GES de l’ordre de 5% ; le remplacement des systèmes de chauffage, de refroidissement et de ventilation peut se traduire par une réduction de 15% des émissions de carbone.

Préserver la valeur

Le monde économique se structure autour de la contrainte carbone. Les initiatives volontaires se multiplient, à l’instar des engagements envers l’initiative net zéro carbone qui devraient se traduire par une décote des loyers et de la valeur des actifs à forte intensité carbone. Inversement, les bâtiments réellement sobres en énergie, devraient bénéficier d’une demande accrue alors même que les premières données semblent indiquer que leur offre sera limitée.   

En Europe, la transition énergétique est aidée par le resserrement de la réglementation qui œuvre à transformer le coût environnemental évoqué ci-dessus en coût économique par l’intermédiaire de politiques de pricing du carbone émis. En suivant une politique environnementale ambitieuse, La Française REM vise à soutenir la valorisation long terme de son parc immobilier et à sortir le patrimoine de ses investisseurs et ses utilisateurs du périmètre de cette taxe à venir.

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