Business Immo, le site de l'industrie immobilière

La non-ville : un bond en avant sous un faux air de retour en arrière ?

© ball141030 / Adobe Stock

Replongeons-nous plusieurs siècles en arrière, lorsque la population humaine était encore corrélée au nombre de surfaces cultivables et aux aléas malthusiens des guerres et épidémies.

La famille que nous allons suivre habite dans une ville dont la première fonction est de protéger de la vie sauvage qui rôde autour. Elle remplit également le rôle de rassemblement social : l’habitant appartient à un groupe, à un ban (qui donnera son origine au terme de ban-lieu : où vivre à un lieu de son ban). Le monde agricole y est partout : dans les faubourgs, où s’étendent les premières terres cultivables, les jardins potagers et les basses-cours. En outre, les déplacements sont rares et les citadins travaillent à quelques lieues de leur habitation. Les achats se font dans les échoppes proches de chez soi. Enfin, les sources d’énergie se trouvent également à proximité : le bois provient des alentours et l’eau du puits. Aurait-on alors inventé bien avant l’heure la vie dans un ensemble urbain mêlant ville du quart d’heure et « perma-cité » ?

Projetons-nous désormais dans le futur. Notre famille vit toujours dans une ville, enfin plutôt une « non-ville ». Il ne s’agit pas d’un retour en arrière, mais plutôt d’un nouveau cri, un besoin réel de se rapprocher de la ruralité chez des citadins à la recherche du meilleur des deux mondes. La non-ville est une des possibles déclinaisons de la ville nouvelle, prônant des frontières poreuses entre le monde urbain et le monde rural via quatre caractéristiques principales.

La nécessité de limiter au maximum sa dépendance énergétique en prélevant au maximum des ressources présentes dans l’environnement immédiat : notre famille a en effet pu choisir de compléter ses équipements énergétiques avec des ENR (photovoltaïque, géothermie, poêle à pellets). La recherche de l’indépendance alimentaire via l’intégration de terres agricoles au sein des villes, dans une logique structurée, c’est-à-dire des zones de culture et d’élevage qui côtoient les habitations. Notre famille a ainsi redécouvert la joie et le labeur des jardins ouvriers à proximité de son habitation, et la cohabitation avec un environnement fermier proche de chez soi.

Un retour à une logique plus prononcée de consommation auprès des marchés et des commerces de proximité. Notamment, revenir à des habitudes rurales d’achats rationnels de produits de saison. Bien sûr, il restera toujours des produits industriels qui ne sauront être manufacturés sur place et qu’il faudra importer, mais dont la réparabilité et la réutilisation devront être maximisées en créant les filières associées. La refonte des déplacements liés à l’emploi. Notre famille a le choix entre des métiers manuels dans l’industrie ou l’agriculture proche de son habitation ou bien des métiers de services dont la digitalisation et le déploiement de tiers-lieux permettront de réduire les trajets. La non-ville se distingue donc des métropoles d’aujourd’hui en abolissant le modèle du tout serviciel.

La non-ville présente des limites, car elle ne peut pas être 100 % autonome. Il y aura toujours des routes pour commercer, mais certainement dans un modèle moins effréné qu’aujourd’hui. Enfin, la cohabitation « ruralité x ville » peut poser la question d’une dégradation de l’hygiène, mais qu’il convient d’écarter par la conservation du total égoût et la collecte de déchets.

Pour que la non-ville se concrétise, un bouleversement de l’immobilier est nécessaire. Il faut repenser la ville, non plus en regroupements spécialisés (zones d’habitation, commerciales, industrielles, etc.), mais plutôt en différents îlots cohérents comprenant chacun un mix de logements, d’agriculture et d’industrie, mettant fin à la tradition du centre-ville et sa limite sacralisée par le Périphérique. Ainsi, il sera nécessaire que les pouvoirs publics œuvrent au travers des politiques de la ville pour favoriser cette nouvelle logique d’urbanisation. Tâche qui sera moins aisée dans des lieux déjà fortement urbanisés que pour des villes moins densifiées…

Consultant en stratégie, finance et organisation chez Bartle Business Consulting, où il est manager en charge de la communauté Transformation de l’immobilier, Benoît Glin compte dix ans d’expérience en immobilier et en conseil au sein de groupes tels qu’Unibail-Rodamco-Westfield, Mercialys, EY et SNCF.


Interview issue du numéro 184 de Business Immo Global.

Pour consulter le numéro dans son intégralité, cliquez ici

  • Benoit Glin

    Manager conseil en stratégie & transformation, en charge de la practice immobilière - Bartle

    Auteur(e) de 2 articles

Business Immo
  • Personnes citées

    Benoit Glin

    Manager conseil en stratégie & transformation, en charge de la practice immobilière

    Bartle

  • Sociétés citées

    Bartle

    PARIS