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Faillite du locataire : quand le bailleur a le choix de son juge

A quel point le droit des faillites déroge-t-il au droit commun et en particulier au droit commun du bail commercial ? Un récent arrêt de la Cour de cassation (venant confirmer une position arrêtée dans un arrêt de principe du 9 octobre 2019) vient apporter une nouvelle réponse à cette question.

En l’espèce, un preneur avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire et restait débiteur de créances de loyers postérieurs à l’ouverture de ces procédures collectives. Le bailleur ne pouvant souffrir davantage de la défaillance de son preneur a sollicité du juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire la résiliation du bail commercial sur le fondement de l’article L. 641-12, 3° du code de commerce.

Cet article autorise en effet le bailleur à demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Le bailleur a par ailleurs délivré au liquidateur un commandement de payer les loyers postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire et l’a assigné en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et d’obtention d’une mesure d’expulsion devant le juge des référés (ayant une compétence de principe pour ce type de questions). Ce dernier a alors accordé un délai de paiement de quatre mois, avec clause de déchéance du terme, et a suspendu provisoirement les effets de la clause résolutoire.

Deux juges saisis pour obtenir le même résultat : la résolution du bail commercial. Reste que les conditions pour obtenir ce résultat ne sont pas les mêmes devant ces deux juges, c’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 24 novembre 2021 (Civ. 3ème, 20-20973).

En l’occurrence, il a été jugé que la demande de constat de la résiliation du bail commercial présentée devant le juge commissaire ne nécessite pas d’adresser préalablement au preneur un commandement de payer. L’accomplissement de cette mesure n’est requise que devant le juge de droit commun.

Ne faudrait-il donc pas saisir systématiquement le juge commissaire pour obtenir la résiliation d’un bail commercial lorsqu’un preneur persiste à ne pas payer les loyers dus postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective ? Telle pourrait être la leçon de l’arrêt de la Cour de cassation, cela d’autant plus que le bailleur ne peut risquer de se voir imposer des délais de paiements dans une procédure engagée devant le juge commissaire. 

Les choses ne sont toutefois pas aussi simples… Il faut en effet rappeler que la demande de constat de la résiliation du bail commercial ne peut être présentée devant le juge commissaire qu’après l’expiration d’un délai de trois mois suivant le jugement d’ouverture de la procédure collective et que le juge commissaire n’a pas compétence pour ordonner l’expulsion du preneur.

Sur ce dernier point, il doit toutefois être noté que si le preneur persiste à rester dans les locaux il s’exposerait à des indemnités d’occupation qui seraient qualifiées de créances postérieures utiles devant être payées (par principe) à échéance. De plus, face à une telle situation et en l’absence de réaction des organes de la procédure collective du preneur, la responsabilité de ces derniers pourrait être recherchée.

Si le bailleur a ainsi le choix de son juge pour obtenir la résiliation du bail commercial en cas de défaillance de son preneur, le juge commissaire semble présenter certains atouts.